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                                 La Tribune des travailleurs - No263 - Mercredi 4 novembre 2020
Le confinement aggrave les inégalités entre les femmes
Eet les hommes
n première ligne pendant la crise du Covid, du fait des emplois occupés (dans les secteurs de l’aide à domi-
cile, des hôpitaux, de la grande distribution, du ménage, etc.), les femmes ont dû également faire face, en raison du confine- ment, aux difficultés (parfois aux impossibilités) engendrées par l’école à distance : absence de matériel informatique ou sous- équipement, exiguïté des loge- ments... Et le reconfinement, décidé par le gouvernement, le 29 octobre, ne va pas arranger la situation. Bien au contraire !
Une étude de l’Institut natio- nal d’études démographiques, publiée en juillet dernier (Le Monde, 29 juillet), conclut que le télétravail a agi comme un révélateur des profondes inéga- lités au sein du foyer. Ainsi, pour les femmes qui occupaient un emploi début mai, le télétravail a été autant la norme que pour les hommes. Mais les conditions d’exercice de ce télétravail ont été très différentes. 42 % des femmes qui ont travaillé à distance ont dû le faire dans une pièce partagée (avec les enfants), contre 26 % des hommes. 44 % des femmes ayant des enfants de moins de 16 ans ont indiqué ne pas pouvoir travailler au calme, contre 31 % des hommes. Parmi les parents d’enfants de moins de 16 ans qui ont travaillé à distance, 47 % des femmes ont passé quatre heures supplémentaires à s’occuper de leurs enfants, contre 26 % des hommes. Mais cela ne vaut que pour celles qui avaient un emploi. La même étude indique qu’une femme sur trois a vu son activité professionnelle s’inter- rompre (licenciement, CDD non renouvelé, chômage partiel, etc.).
Et ce n’est pas tout ! Si le confinement a eu des consé- quences sur la santé de toute la population, il en a eu en particu- lier sur celle des femmes. « Dès la mise en place du confinement le 17 mars, la totalité des dépis- tages systématiques des cancers du col de l’utérus, du sein (...) ont été totalement interrompus jusqu’au mois de juin », constate le professeur Axel Kahn, pré- sident de la Ligue contre le can- cer (France Info, 26 octobre), ce qui a entraîné un retard dans la prise en charge des patientes. Si les dépistages systématiques ont retrouvé un taux habituel depuis juillet, Axel Kahn craint que le retard accumulé dans cette prise en charge ne soit « jamais rat- trapé, voire augmente », avec le regain de l’épidémie... et le nou- veau confinement. n
Christel Keiser
parti
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   ouVrier indépendant démocratique
    Dans le n° 261 de La TT, à l’occasion du débat à l’Assemblée nationale sur l’allonge- ment de douze à quatorze semaines du délai d’accès à l’IVG, nous avions, à nouveau, alerté sur le manque cruel de centres d’IVG en France, remettant en cause, de fait, le droit à l’IVG pour de nombreuses femmes.
Aux États-Unis, dans une majorité d’États, l’accès à l’avortement est fortement limité.
Ainsi, en Louisiane, la loi interdit désormais l’IVG dès que les battements du cœur peuvent être détectés, soit dès la 6e semaine de gros- sesse. En Alabama, l’IVG est criminalisée, même en cas de viol et d’inceste.
En Pologne – pays où le poids de l’Église catholique n’est plus à démontrer –, alors que la loi autorisant l’IVG est déjà très restrictive, l’interdiction d’avorter en cas de malforma-
tion du fœtus a mis le feu aux poudres. Depuis maintenant deux semaines, pas une journée, dans de nombreuses villes de Pologne, sans initiative contre la remise en cause de ce droit. Manifestations qui rassemblent très largement des femmes... et des hommes, contre cette décision inique. n
C. K.
    Pologne Mobilisation massive contre l’interdiction de l’avortement
« Là, on nous enlève encore ce petit résidu de droit »
  Manifestation à Varsovie, le 30 octobre
C’est le 22 octobre que le tribunal constitution- nel a pris sa décision : l’une des rares clauses autorisant un avortement thérapeutique (1) – la malformation du fœtus – est déclarée anti- constitutionnelle. C’est de fait l’interdiction faite aux femmes polonaises d’avorter légale- ment qui est décrétée, puisque 98 % des rares
Einterventions (un millier par an) sont prati- quées en vertu de cet article.
n plein rebond de l’épidémie de Covid et malgré le placement en zone rouge sanitaire de toute la Pologne, incluant des mesures restrictives pour les ras- semblements publics (limités à des groupes de cinq personnes), la haute juridiction a brusquement statué sur la motion déposée à l’automne 2019
par un groupe de députés ultra-conservateurs issus de la coalition au pouvoir autour du Parti droit et justice (PiS).
En quelques heures, la mobilisation s’orga- nise spontanément, et aussi autour des initia- tives de rassemblements du comité Grève des femmes (strajk kobiet) issu des manifestations de 2016 (2), devant le siège du tribunal, devant celui du PiS et devant la résidence personnelle de Kaczynski, son leader historique.
Depuis, chaque jour, des actions de protesta- tion ont lieu un peu partout dans le pays, y com- pris le dimanche 25 octobre, devant ou dans les églises.
Plus de 90 % des manifestations se déroulent dans des petites villes (moins de 100 000 habi-
tants), des régions rurales où le PiS a parfois obtenu des scores électoraux dépassant les 60 %. Les centres des grandes villes, dont Varsovie, sont quasiment bloqués tous les jours, en fin de jour- née, par des cortèges et des meetings rassem- blant des dizaines de milliers de personnes.
La jeunesse est en tête, c’est elle surtout qui brave les risques sanitaires et les restrictions de rassemblement. « Quand j’ai entendu la déci- sion du tribunal, j’ai presque pleuré. Elle fait de la femme une citoyenne de 3e classe. Dans la hiérarchie, elle est placée plus bas que le fœtus. Depuis, je participe à toutes les manifestations car notre droit à l’autodétermination nous a été enlevé. La loi était déjà très restrictive. Mais là, on nous enlève encore ce petit résidu de droit », s’in- digne Zol, (19 ans).
La jeunesse n’est pas isolée. Selon les son- dages, 75 % des Polonais (des deux sexes confon- dus) sont contre la décision du tribunal constitu- tionnel, en dépit des diatribes de la télé officielle, « contre les violences et les slogans vulgaires des groupuscules gauchistes qui sèment le chaos dans le pays ». D’après ces mêmes sondages, 55 % sou- tiennent les actions de rue, dont plus de 45 % de catholiques pratiquants. Le 27 octobre, au Parlement, Kaczynski, devenu tout récemment vice-Premier ministre en charge du comité de sécurité publique, s’époumone tant qu’il peut contre « les organisateurs de centaines, de milliers de manifestations qui veulent détruire le pays » puis, sur Facebook, en « appelle à tout le PiS et ses partisans (...). Nous devons prendre la défense de l’Église ».
Le 28 octobre est la journée de la grève des femmes, suivie massivement, avec le soutien affiché des collègues masculins dans tout le pays et dans tous les secteurs. Elle est accompagnée de multiples rassemblements un peu partout. Parfois, des commandos paramilitaires de natio- nalistes attaquent les cortèges.
Le 29 octobre, le Premier ministre, lors de son point presse au stade national de Varsovie où il inaugure le premier hôpital provisoire de cam- pagne dédié au Covid, les services hospitaliers étant au bord de l’implosion, explique que les manifestations sont dangereuses pour la santé publique et qu’elles ne peuvent durer.
Le Procureur général menace directement les manifestants : « Quiconque met en danger la vie ou la santé de nombreuses personnes (...), en provoquant une menace épidémiologique ou en propageant une maladie infectieuse, est passible d’une peine de privation de liberté de six à huit ans. » La mobilisation dans tout le pays continue pour préparer la grande marche nationale du lendemain, 30 octobre, à Varsovie. n
Beata Firon-Bencolurska
(1) Autorisé par la loi du 7 janvier 1993, adoptée sous la présidence de Lech Wałesa et d’un gouvernement de coalition de centre droit avec des groupes issus du mouvement Solidarnosc, de l’Union pour la liberté (parti libéral catholique) et du ZchN (parti chrétien national).
(2) Contre un projet de loi visant déjà, à l’époque, à interdire totalement l’avortement.
            
Dernière heure
Le « compromis » proposé par le président Andrzej Duda, consistant à distinguer les mal- formations incurables du fœtus des autres types de handicap (comme la trisomie), n’a pas fait refluer la mobilisation contre l’interdiction de l’avortement.
Depuis que notre correspondante nous a envoyé ce reportage, le 30 octobre, de toutes les régions de Pologne, plus de 100 000 mani- festants ont bloqué les rues et les bâtiments publics de la capitale en scandant : « Oui au choix, non à l’interdiction ! »
         
Je souhaite prendre contact avec le Parti ouvrier indépendant démocratique

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