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La Tribune des travailleurs - No264 - Jeudi 12 novembre 2020
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INTERNATIONAL
Burundi « Recensement » des fonctionnaires La classe ouvrière n’a pas d’ethnie !
Tribune libre
Des délégués de trente-six pays ont participé aux travaux de la 3e conférence internationale du Comité d’organisation pour la reconstitution de la IVe Internationale
LAssemblée de grève des enseignants au Burundi (août 2020) :
« La classe ouvrière est toujours restée soudée face aux divisions ethniques »
e 26 octobre 2020 a commencé un recensement qui porte recensement des fonctionnaires. Pas atteinte à la vie privée moins de 109 questions sont posées des fonctionnaires. Pour aux travailleurs, parmi lesquelles : le président de la Cosybu, l’ethnie, le compte bancaire, l’appar- Célestin Nsavyimana, « il tenance syndicale, la géolocalisa- est incompréhensible de tion, l’e-mail personnel, le nombre demander au fonction- d’enfants et les autres enfants pris en naire à quel syndicat il
charge, la marque du téléphone portable, le appartient, s’il est satisfait ou pas, de quels montant du salaire et autres sources de reve- biens et sources de revenus il dispose... ce n’est
de l’ethnie est la plus gênante : « Pour être recruté dans la fonc- tion publique, que je sache, on regarde les compétences, pas l’ethnie. » Une tra- vailleuse de l’Institut
des statistiques et d’études économiques du Burundi (Isteebu) s’inquiète, elle, de ques- tions « bizarres », comme celle sur le salaire. « Qu’est-ce qu’ils veulent faire de notre salaire ? On peut penser qu’ils veulent en soustraire une somme, comme ils l’ont fait pour les élections. » La question : « Si tu es mutée, dans quelle pro- vince tu n’aimerais pas aller ? », lui fait peur. Une question-piège, estime-t-elle : « Je n’ai pas voulu répondre à cette question, mais mon recenseur m’y a obligée. »
Une menace contre l’unité de la classe ouvrière
Ce recensement traduit l’acharnement du gouvernement à remettre en cause les réfé- rences communes aux travailleurs. C’est une menace contre la classe ouvrière qui est tou- jours restée soudée face aux divisions eth- niques qui ont déchiré le pays, et qui conti- nuent à y faire des ravages. Ces divisions, de manière cyclique, ont été poussées jusqu’aux guerres ethniques contre les travailleurs, les paysans et les jeunes. Or ces derniers sont uni- fiés par les conditions de misère et l’absence d’un minimum de libertés démocratiques, qui leur sont imposées par l’impérialisme. Des politiques dictées par la Banque mondiale, le Fonds monétaire international et l’Union européenne, faites de privatisations-pillage des ressources du pays et de remboursement de la dette externe.
Les intérêts de la classe ouvrière dans ce pays exigent le respect de ses droits consignés dans le Code du travail, les conventions collec- tives, le statut général des fonctionnaires et les conventions de l’OIT que le gouvernement du Burundi a ratifiées. Ils exigent la mise en œuvre d’un vaste programme des travaux publics pour en finir avec le chômage et l’augmentation générale des salaires indexée au coût de la vie. Ils exigent la rupture avec l’impérialisme par la renationalisation de tous les services et secteurs qui ont été privatisés et la nationalisation de toutes les richesses et ressources du pays. n
Extraits de l’éditorial de Tribune libre des travailleurs, n° 122, octobre 2020 (organe mensuel du Parti des travailleurs et de la démocratie (PTD)
Les 8, 9 et 10 novembre s’est tenue la troisième conférence inter- nationale du Comité d’organi- sation pour la reconstitution de
la IVe Internationale (CORQI). Dans les conditions qui sont imposées aux travailleurs du monde entier par les gouvernements au nom de la lutte contre la pandémie, cette confé- rence a dû se tenir en vidéoconfé- rence, en présence d’une centaine de militants (et d’invités) de trente- cinq pays (auxquels il faut ajouter un trente-sixième pays empêché d’y participer, le délégué ayant été hos- pitalisé en conséquence de la pan- démie) (1).
Ces conditions techniques diffi- ciles n’ont pas empêché les militants présents de débattre et de prendre des décisions au cours de trois séances de cinq heures de discussion en plénière. Les discussions se sont concentrées sur le combat pour la reconstitution de la IVe Internationale à un moment de la situation internationale qui combine à la fois une offensive bru- tale contre la classe ouvrière et des explosions révolutionnaires et des mobilisations de classe sur toute la planète. Se positionnant contre toute forme d’« union sacrée », pour la rup- ture du mouvement ouvrier avec les capitalistes et leurs gouvernements, et affirmant l’actualité du combat pour le gouvernement ouvrier et pour le socialisme, un Manifeste d’alarme a été largement discuté, amendé et adopté par la conférence internatio- nale. Un Manifeste qui s’adresse « aux travailleuses, travailleurs, jeunes, militants ouvriers du monde entier et à tous ceux qui veulent en finir avec l’exploitation capitaliste », qui est dis- ponible auprès des organisations affi- liées au CORQI (2).
La Conférence a également débattu des moyens de faire fonction- ner le CORQI, pour en faire un véri- table centre d’aide à la construction d’organisations révolutionnaires dans les différents pays, d’améliorer l’éla- boration de sa revue en six langues, L’Internationale, et de prendre toute sa place dans la préparation de la Conférence mondiale contre la guerre et l’exploitation, pour l’Internationale ouvrière convoquée en 2021. n
Jean Alain
(1) Afghanistan, Algérie, Allemagne, Azanie/Afrique du Sud, Bangladesh, Belgique, Bénin, Brésil, Burundi, Canada, Chine, Corée, Côte d’Ivoire, États-Unis, France, Grande-Bretagne, Grèce, Haïti, Hongrie, Inde, Italie, Maroc, Mexique, Pakistan, Palestine, Pérou, Portugal, Rou- manie, Russie, Sénégal, Serbie, Suisse, Togo, Tunisie, Turquie, Zimbabwe.
(2) En France, il s’agit de la Tendance communiste internationaliste (section française de la IVe Internationale), qui est le courant trotskyste du POID.
nus... On se rappelle pourtant que le président Ndayishimiye a récemment jeté aux orties l’exigence constitutionnelle de déclaration des biens par les mandataires publics au début et à la fin de leur mandat, en déclarant que cela relève « du secret de tout un chacun » !
Les syndicats dénoncent une atteinte à la vie privée et à la liberté syndicale
Dans une conférence de presse le 27 octobre, les confédérations syndicales Cosybu, CSB et Cossessona ont dénoncé un
pas normal ». Il ajoute : « Ton supérieur hié- rarchique n’a pas le droit de le savoir. » Selon lui, ces questions remettent en cause la vie privée et la liberté syndicale, consignées dans les articles 19 et 37 de la Constitution et les conventions 87 et 98 de l’Organisation inter- nationale du travail (OIT) sur le droit d’orga- nisation et de négociation collective, la liberté syndicale et la protection du droit syndical.
Les travailleurs sont inquiets
Beaucoup d’interrogations et d’inquié- tudes parmi les travailleurs. Dans le journal Iwacu, un enseignant affirme que la question
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Une division ethnique artificielle fabriquée par le colonialisme
Au printemps 1994, au Rwanda – pays voi- sin du Burundi – commence un génocide qui fera, en quelques mois, un million de morts, souvent atrocement massacrés. « Mas- sacres ethniques » entre popu-
linguistique, parlent la même langue, par- tagent les mêmes coutumes et les mêmes réfé- rences idéologiques, notamment religieuses ». C’est le colonialisme belge (qui, rappelons-
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Ce livre fait suite à nombre d’articles de l’auteur, dont certains parus dans des ouvrages collectifs auxquels il a participé. Il montre
Paul Nkunzimana
Contribution à l’étude
de la préhistoire et de l’histoire sociales de l’Afrique des Grands Lacs et de l’Est
le, fit 10 millions de morts de 1885 à 1908 lors de la conquête du Congo) qui inventa ces pré- tendues « divisions ethniques » dans la région. Elles furent un prétexte bien utile pour jus- tifier les massacres comme celui de 1994 au Rwanda. Et pour masquer la responsabilité directe des grandes puissances dans le génocide, que dénon- çait le journaliste Frank Smyth : « Les diplomates occidentaux, les membres d’organisations humanitaires et les officiers de l’armée rwandaise s’accordent pour dire que les troupes fran-
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Sur la base d’une riche documentation, le livre établit la contribution de l’Afrique des Grands Lacs et de l’Est à l’accumulation primitive du capital et au développement capitaliste des nations européennes et de l’Amérique du Nord, consécutivement à ce second choc historique. Il montre
des Grands Lacs et de l’Est*,
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de Berlin de 1884-1885, du dépeçage et du partage du continent africain déjà établis dans la lutte acharnée entre monopoles-multinationales et entre puissances pour les marchés et les colonies,
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Plus tard, explicite encore le livre, sous l’égide des institutions de Bretton Woods (Banque
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Enfin, l’auteur met en évidence la résistance de cette classe ouvrière et de ces peuples à l’exploitation capitaliste et à l’implantation coloniale qui se développent encore aujourd’hui, et, malgré les divers obstacles, les processus de recomposition sociale contre les destructions
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Analyses & Documents Paul Nkunzimana Contribution à l’étude de la préhistoire et de l’histoire sociales de l’Afrique des Grands Lacs et de l’Est
TOGO BÉNIN
les rapports entre classes dans
ces sociétés (...). La science coloniale, on le
voit, se vautre dans un bourbier idéologique
infinidanscesensquelesgroupeshutu,tutsi conseillers français secondent les officiers
et twa correspondraient à la fois à des castes professionnelles, à des classes sociales, à des races et, en définitive, à des ethnies. » Et cela alors que les populations burundaise et rwan- daise « se caractérisent par une unité ethno-
rwandais » (cité par Paul Nkunzimana). * Le livre de Paul Nkunzimana est toujours
disponible, au prix de 15 euros, aux Éditions du Travail (contacter la rédaction).
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06/04/2018
12:03
çaises ont fourni un appui d’artillerie aux troupes rwandaises d’infanterie et que des