Page 73 - Bouffe volume 3 - Surgelée
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C’est un joli soir d’été. Le soleil brille, plongeant derrière l’horizon pendant que les oiseaux chantent. Voici le temps venu de faire griller une tranche de bavette de lanchet pour le souper. Vous entrez alors dans votre maison, vous ouvrez votre congélateur et puis. ah non!! Votre bavette était mal scellée et elle ressemble maintenant au gant de cuir brun ratatiné de votre oncle Claude! Que s’est-il passé?
Il s’agit de brûlures de congélation, mon ami. C’est un terrible phénomène qui victimise des aliments de toutes sortes, notamment les bavettes, la vo- laille, les baies, les fèves et les produits laitiers. Il peut être diicile de com- prendre comment cela se produit — après tout, nous congelons des aliments ain de les conserver. Alors comment explique-t-on ce léau?
Étonnamment, la chimie des brû- lures de congélation n’a aucun lien avec l’action de brûler. En fait, le casse-tête comprend deux morceaux, la déshy- dratation et l’oxydation. Le processus commence toujours par la déshydra- tation et, dans certains cas, ça dégé- nère.
C’est bien connu, les congélateurs sont un environnement froid (et mena- çant), ce qui est merveilleux, puisqu’ils servent à ça. Ils peuvent toutefois aussi être très secs. En fait, des congélateurs sans givre éliminent la glace qui s’accu- mule sur les surfaces, ce qui rend l’air encore plus sec. Cela peut donner de tristes résultats : les aliments congelés qui entrent en contact avec l’air froid et sec risquent de commencer à perdre leur eau de congélation, causant leur déshydratation. Mais comment des aliments congelés peuvent-ils perdre leur humidité à cause de l’air qui les entoure?
Lorsque la glace fond, il serait logi- que de penser qu’elle passe d’une forme solide à une forme liquide, pour ensuite s’évaporer et se transformer en gaz. Mais l’eau congelée — qu’elle se trouve dans une côtelette de porc congelée, une fraise congelée ou un glaçon — peut passer directement de l’état so- lide à l’état gazeux, sans passer par la forme liquide. Ce processus se nomme la sublimation. Plus l’air est sec, plus les risques de sublimation sont élevés. Et plus de sublimation signiie plus de déshydratation. Au bout d’un cer- tain temps, nos aliments sont assé- chés, ratatinés et. tout simplement dégueulasses.
Cette transformation rend les ali- ments non appétissants. Et pour cer- tains aliments, l’histoire d’horreur ne se termine pas là. En efet, la viande rouge est à risque de subir la deuxième phase de détérioration des brûlures de congélation, soit l’oxydation.
Notre air est chargé d’oxygène. Ce qui est une bonne chose, puisque respi- rer c’est fantastique. Ce n’est toutefois pas la même histoire pour certains ali- ments. Dans le congélateur, la viande rouge est la première cible de l’oxyda- tion.
La viande rouge est composée d’une protéine nommée myoglobine, qui se trouve dans les muscles des mam- mifères. Elle se lie à l’atome de fer qui se trouve dans le sang et qui est responsable, en grande partie, de la couleur rouge de la viande. Cet atome est toutefois la cause de l’oxydation. L’oxygène dans l’air réagit avec le fer, ce qui modiie « l’état d’oxydation » de ce dernier. La réaction elle-même n’a comme résultat que la perte d’un élec- tron de fer, un électron cependant très
important. Avant l’oxydation, votre ba- vette de lanchet a une belle couleur rose et fraîche. Après l’oxydation, elle est brune et défraîchie.
Votre bavette ne perd pas seulement sa couleur — elle perd également son goût et sa texture. La viande ayant subi des brûlures de congélation est dure, caoutchouteuse, sans goût et tout sim- plement déplaisante en bouche. Vous pourrez dire adieu à votre bonne ba- vette par un soir d’été.
Il y a malgré tout de bonnes nou- velles.
La viande ayant subi des brûlures de congélation n’est pas dangereuse à manger. Même si elle ne goûte certai- nement pas aussi bon qu’une bavette fraîche, elle ne vous rendra pas ma- lade. Si seulement une partie de la viande est brûlée, coupez-la et le reste du morceau goûtera quand même bon. En résumé, les aliments ayant subi des brûlures de congélation peuvent être dégustés en toute sécurité, mais pour ce qui est du goût et de la texture, on repassera.
La deuxième bonne nouvelle, c’est qu’on peut prévenir les brûlures de congélation. Conserver les aliments dans des contenants hermétiques per- met de limiter les risques. Toutefois, la congélation sous vide est la façon la plus sûre, puisqu’elle minimise le con- tact entre l’air et les aliments, scelle l’humidité gelée et prévient l’oxyda- tion. Idéalement, achetez des aliments sous vide ou un système d’emballage sous vide.
Maintenant que vous savez com- ment se produisent les brûlures de congélation et comment les prévenir, vous pouvez retrouver la joie des BBQ d’été! De rien.
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