Page 3 - newsletter alain octobre 2018
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publiait dans El Pais une tribune qui dénonçait l’image d’artiste apolitique attribuée au peintre espagnol. Au contraire, écrivait-il, Dali n’avait pas seulement encensé le coup d’Etat militaire de 1936 qui a été à l’origine du déclenchement de la Guerre civile espagnole (1 936-1 939) ; il avait également défendu la sévère répression franquiste, qu’il jugeait d’ailleurs nécessaire « pour nettoyer le pays des forces destructrices de ce que l’Espagne a de meilleurs ».
Une semaine plus tard, le dramaturge Albert Boadella lui répondait dans le même journal qu’il considérait que cet aspect de la vie du peintre lui paraissait « secondaire ou purement anecdotique », et que ses éloges du franquisme étaient à mettre sur le compte de « sa spontanéité compulsive », pour conclure que « son supposé franquisme n’est qu’un fait insignifiant de son existence ». La controverse m’intéresse, je poursuis la lecture pour me rendre compte que l’attitude de Dali est, pour le moins, très équivoque.
Dali - Collection particulière - En cours d'authentification
Après huit années passées aux Etats- Unis, Dali rentre en Catalogne en 1948 : « Je suis venu rendre visite aux deux caudillos d’Espagne. Le premier, Fransisco Franco. Le deuxième, Velàzquez ». Toujours dans cet article : « En 1964, Dali est officiellement adoubé par le régime lorsqu’il reçoit la plus importante distinction honorifique nationale, la Grande Croix
d’Isabelle la Catholique. En 1971, à la télévision française, Dali présentait « la guerre » du « très honnête » Adolf Hitler comme une œuvre d’art. En 1975, il déclare à l’AFP que Franco « est le plus grand héros vivant de l’Espagne », que « c’est un homme merveilleux ». Et alors que le monde entier proteste contre l’exécution de cinq prisonniers politiques espagnols, Dali déclare, froidement : « En vérité, il faudrait trois fois plus d’exécutions que celles qui ont eu lieu. »
Bon, particulièrement à charge.
Est-ce de la « spontanéité compulsive »
ou de l’apologie de la dictature ? Et au regard de tout cela, comment interpréter la présence de certains visages de dictateurs dans plusieurs de ses œuvres? Lénine – L’énigme de Guillaume Tell -, petite photo de Hitler – L’énigme de Hitler –, Mao peint façon Marilyn Monroe et bien sûr, le portrait équestre de la petite-fille de Franco offert à ce dernier.
Alors, que penser ? Cette apologie du franquisme peut-elle être considérée comme un aspect secondaire de sa vie, une provocation dite « à la Dali » ? Ou comme le conclut Bruno Tur : « Dali n’a pas choisi d’utiliser sa notoriété pour dénoncer, comme d’autres l’ont fait, un dictateur et un régime qui ont tué, emprisonné, torturé et réprimé des centaines de milliers de personnes. Bien au contraire. Un détail ? Allez le dire, en Espagne, aux victimes de la dictature. Il en reste encore. »
Pour en savoir plus « Salvador Dali, fou du dictateur Franco » - Bruno TUR - S l a t e . fr