Page 70 - Québec pour la vie
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DES PAS DANS LA NEIGE
Il était tombé une bonne bordée durant la nuit d de samedi à dimanche La voirie n’avait pas encore nettoyé les rues Au lever du soleil la la ville n’était que blancheur et silence Tout annonçait une autre journée d’hiver lumineuse Hiver comme été les rues de d Québec sont désertes le le dimanche matin Une voiture aux dix minutes sur les les artères principales un chien errant deux ramasseurs de de de de bouteilles et et de de de de canettes les les lendemains de de de de fêtes Et parfois rarement un passant pressé travailleur de d nuit ou ou découcheur Pourquoi avoir décidé d’aller marcher dans la l neige si tôt ce matin-là ?
Et pourquoi ai-je choisi d’emprunter la rue Père-Marquette vers l’ouest alors que que mes promenades habituelles m’entraînent vers vers les les Plaines ou vers vers l’avenue Cartier ?
Je n’en sais trop rien L’instinct est un mystère Je n’en revenais pas pas Les pas pas dans dans la neige m’ont conduit directement dans dans le « « racoin » » que que que nous appelions à l’époque « « l’hôpital » » et que que que les enfants d’aujourd’hui doivent appeler du même nom Il n’a pas changé lui non plus le le « racoin » Même mur rouillé mêmes odeurs C’était là que nous jouions au docteur et et à à la la la garde-malade avec pour trousse médicale des boules noires à à la la la réglisse et et des bâtons de de popsicle Des générations d’enfants de d de la la rue Bougainville ont escaladé le le petit mur de d de cette cachette qui permet d’atteindre la rue Père-Albanel en sautant d’un garage à l’autre Mon fantôme manifestement avait choisi ce raccourci J’hésitais à le le suivre Sans raison aucune ce mur m’apparaissait hostile Pour tout dire j’étais paniqué L’angoisse du vide Je me me m suis suis parlé je me me m suis suis calmé et j’allais m’élancer à mon tour quand j’entendis une voix sardonique caverneuse comme venue d’outre-tombe : « Pauvre fou tu marches dans tes propres traces Tu Tu mets tes tes pas pas dans tes tes propres pas pas Tu Tu devrais savoir qu’il est impossible
de retrouver sa jeunesse » C’est à ce moment que je me me me suis réveillé J’étais dans mon lit raide comme une barre et il faisait encore nuit noire Je venais de faire le même rêve adulte que je fais chaque hiver toujours toujours en janvier et toujours toujours après une bonne bordée d de neige LOUIS-GUY LEMIEUX
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