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vitrines et des monuments). Ces restrictions ont concerné aussi les enseignes et publicités lumineuses, avec certaines exceptions. Avec ces premières mesures, il s’est agi essentiellement de réduire l’éclai- rage dans le temps. Mais, en 2018, la réglementation a été renforcée avec la parution d’un nouvel arrêté ministériel qui fixe des seuils qui ne se limitent plus seulement aux horaires, ils concernent aussi dé- sormais la quantité de lumière et la couleur, par exemple.
Comment expliquer que, malgré la réglementation, la pollution lumineuse augmente ?
Elle augmente pour deux raisons principales : parce qu’on aug- mente les points lumineux et que ces points lumineux diffusent plus de lumière. Cette pollution est pro- portionnelle à l’urbanisation et on continue d’artificialiser les terri- toires, y compris en France, avec le développement de zones rési- dentielles ou d’activités, ou encore la construction de routes. Ce sont autant de surfaces éclairées. L’évolution des sources lumineuses joue aussi un rôle. Par exemple, le passage à l’éclairage par LED a amplifié le phénomène de pollu- tion, car il a conduit à passer d’une lumière orange à une lumière blanche, plus ou moins riche en bleu, qui diffuse davantage dans l’atmosphère et augmente les halos lumineux.
L’éclairage par LED n’a-t-il pas aussi été promu pour l’économie d’énergie qu’il représente ?
C’est un effet pernicieux, que l’on appelle l’effet rebond. L’installation des LED a été encouragée pour la transition énergétique sans prendre en compte les répercussions sur la pollution lumineuse, que ce soit pour l’éclairage public ou les par- ticuliers. Tout le monde peut au- jourd’hui s’acheter très facilement des LED qui fonctionnent avec de l’énergie solaire, qui ne coûtent
L'effet de fragmentation pénalise les animaux dans leurs déplacements
rien en termes de consommation d’électricité. On en installe un peu partout sur les maisons et dans les jardins, avec des puissances lumi- neuses qui n’ont rien à voir avec de petites veilleuses.
Avec l’éclairage aux LED, on part toujours d’une lumière bleue que l’on filtre ensuite avec une ma- tière jaune (à base de phosphore) pour obtenir une lumière blanche (qui contient encore une propor- tion forte de bleu, notamment pour la génération des LED des années 2010).
Or, la lumière blanche est la plus néfaste pour la biodiversité parce qu’elle contient toutes les couleurs du spectre. Elle est donc méca- niquement perçue par beaucoup d’espèces, chacune étant sensible à des longueurs d’ondes différentes, mais toutes étant présentes dans le blanc.
Quant à la lumière bleue, elle agit directement sur les cycles biolo- giques, en inhibant par exemple la production de la mélatonine, l’hor- mone du sommeil.
La réglementation a donc demandé d’abaisser la quantité de lumière bleue, en imposant un seuil de température de couleur pour que la lumière blanche soit plus neutre (un blanc tirant légèrement vers le jaune). Toutefois, on est loin d’avoir une réglementation qui impose des LED réellement ambrées/orange comme le sont les éclairages à va- peur de sodium que les LED sup- plantent actuellement. Même si ces LED orangées existent, elles sont très rarement employées ou alors
dans le cadre de projets originaux qui revendiquent spécifiquement la protection de la biodiversité.
De plus, si au départ l’éclairage s’est orienté vers la production d’une lumière blanche et non plus orange comme celle du sodium, c’est parce que la lumière blanche est plus confortable pour l’œil hu- main (rendu des couleurs).
En outre, le choix de partir d’une LED bleue en la filtrant pour ob- tenir cette lumière blanche était motivé par le gain énergétique car la LED bleue est la plus efficiente. Or, plus on filtre ensuite cette LED bleue pour obtenir un blanc chaud – ou plus encore une couleur am- brée –, plus on perd en efficacité énergétique. Plus la LED est am- brée, moins elle est « polluante », mais moins elle « éclaire », et plus elle consomme. Nous touchons là de très près la tension qui peut exister entre économies d’énergie et impacts sur le vivant.
Quelles sont les solutions pour faire face à cette pollution ?
La bonne nouvelle, c’est que pour lutter contre la pollution lumi- neuse, nous disposons de tout un éventail pratique et technologique. Ce n’est pas la même chose que la pollution des sols quand on est confronté à la contamination par des métaux lourds, par exemple, avec une rémanence qui dure des siècles. Si on éteint la lumière, elle disparaît, et si on décide d’éclairer, il y aura des impacts sur le vivant. Donc, pragmatiquement, il faut
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