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ÉCOLOGIE
Bianca et Ella
Souvenez-vous. Au départ, il s’agissait d’adopter deux brebis pour tondre la pelouse : économiser l’énergie d’un débroussaillage mécanique et pro-
poser une alternative écologique à l’entretien polluant et destructeur des machines.
Depuis, Ella et Bianca sont arrivées. Nourries au bibe- ron, elles sont vite devenues des animaux de compa- gnie et font désormais partie de la famille ou nous de leur troupeau. L’an dernier, lorsqu’il a fallu les tondre, l’évidence commandait de faire quelque chose de leurs belles toisons. La passion de la laine amplifiée par l’amour de mes moutons est née en fabriquant chaussons et figurines en feutre. Puis, de fil en aiguille, la réflexion s’est ouverte.
De mon jardin au troupeau d’où mes brebis sont issues, la problématique est la même, mais en chan- geant d’échelle. Actuellement, ce troupeau est com- posé de plus de 200 brebis : que faire de la laine ? Traiter une telle quantité représente un travail hors de portée d’un particulier et demande des équipements. En France, beaucoup de filatures ont fermé quand le cours de la laine a fini de faire de cette richesse un déchet. Pour les éleveurs, la laine est devenue un fardeau économique alors que la profession est déjà fragilisée. Sur les centaines de milliers de tonnes que représente la production annuelle de laine en France, à peine 10% sont travaillés localement. Les quelques filatures qui restent se situent plutôt dans le sud de la France, il y a quelques débouchés à l’ouest comme en Bretagne, ou sinon il faut partir en Belgique. En Île-de- France, c’est le désert, car il y a peu d’éleveurs.
UN PREMIER DÉFI, LA LAINE DU BERGER DE FONTAINEBLEAU
Concrètement, nous avons créé l’association Défi laine en décembre dernier afin de planifier notre action sur l’année 2018.
Notre ambition est de s’impliquer au niveau local, en relevant un premier défi, auprès d’Alexandre, le ber- ger engagé par l’ONF pour pâturer et entretenir les espaces ouverts de la forêt de Fontainebleau et en valorisant la laine de son troupeau. Par les ventes de nos créations au Marché de Noël de Thomery et les premières adhésions, nous nous sommes engagées à racheter sa laine au prix de la tonte. En effet, sur les quelque 400 euros qu’a coûtés la tonte l’an dernier, la vente de la laine n’a rapporté qu’environ 50 euros à Alexandre. La laine de l’année d’avant avait carrément fini étalée en paillage dans une haie, son troupeau métissé, dont les brebis ont des laines différentes les unes des autres, n’intéressant que peu ou pas du tout les industriels.
Soutenu depuis le début par Les Champs des possibles [couveuse d'activités agricoles et rurales, NDLR] et l’ONF, Alexandre est berger par conviction. Toute l’année, il vit en caravane à côté de son troupeau et si, au printemps et en été, il est installé dans des espaces définis avec l’ONF, pendant l’automne et l’hiver, il quitte la forêt et doit s’arranger avec les agriculteurs du coin pour trouver à manger à ses animaux. Son activité reste très précaire et notre association souhaite concrètement le soutenir.
C’est pour aller contre cette fatalité qu’avec deux ORGANISER LA TONTE amies impliquées dans l’étude et la protection de
l’environnement, nous avons décidé de monter notre association basée en Seine-et-Marne. Se regrouper pour fédérer nos forces, trouver un moment de par- tage et réfléchir ensemble pour lutter contre ce gâchis symptomatique d’une société qui jette plus qu’elle ne produit. L’association a vocation à soutenir les pro- fessionnels de bonne volonté qui cherchent à main- tenir leur activité dans le respect de l’environnement et le bien-être animal.
Au mois de juin se déroulera la tonte, en fonction des disponibilités du tondeur. Tous les adhérents de l’asso- ciation sont conviés à cette occasion pour prêter main forte, car la tonte est un moment important où il faudra réaliser un premier tri de la laine, en séparant les toi- sons par races (Limousines, Solognotes, Suffolk), par couleurs, et surtout retirer toutes les parties crottées ou trop rêches qui ne seront pas transformées et que l’association Agrof'île se propose de récupérer pour le
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