Page 57 - Rebelle-Santé n° 234
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PATHOLOGIIES
D’où l’importance du diagnostic et de la surveillance ultérieure.
UN DÉLIRE...
Difficile de passer à côté d’une bouffée délirante aiguë, tant les symptômes sont spectaculaires et caractéristiques, a fortiori lorsque le tableau clinique est au com- plet. Le délire est au premier plan. Les thèmes sont variés : mystique, religieux, persécution (quelqu’un s’introduit dans la tête du malade et lui vole ses idées), paranoïa, mais aussi érotomanie (la victime est persuadée d’être aimée ou ad- mirée), idées de grandeur (méga- lomanie), jalousie, interprétation délirante de faits bien réels, im- pression de toute puissance, sen- sation de clairvoyance extrême... Le délire est souvent désorganisé et incohérent, onirique et sans fil conducteur, de sorte qu’il est dif- ficile pour l’entourage d’y adhérer, au contraire du délire paranoïaque pur, mieux construit et argumenté. Pour autant, le malade y croit tota- lement et a du mal à s’en dégager et à prendre du recul sur son état.
... MAIS PAS SEULEMENT
L’insomnie précède souvent la crise délirante. Outre le délire, la personne s’agite soudainement, sans véritable raison, adopte un comportement irrationnel, et ce d’autant qu’elle peut être soumise à des hallucinations auditives (elle entend des voix), visuelles (elle voit des choses inexistantes), ou même tactiles (elle sent des choses anor- males). Parfois, c’est la déperson- nalisation (impression de ne plus être soi-même) ou un dédouble- ment de la personnalité qui sont au premier plan. La bouffée s’ac- compagne souvent d’une angoisse intérieure forte avec une désorien- tation temporo-spatiale. Chez les filles/femmes, s’y ajoutent un arrêt des règles et une anorexie.
L’IMPORTANCE DU DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL
Avant de diagnostiquer la maladie, et donc de recourir à un traitement approprié, encore faut-il s’assurer qu’ilnes’agitpasd’unepathologie neurologique organique, ou d’une intoxication. Il faut donc éliminer :
• une méningite et rechercher la présence des autres symptômes caractéristiques de l’infection méningée, comme la fièvre, les nausées, les vomissements et la photophobie (crainte de la lu- mière),
• une hypoglycémie dans un contexte de diabète. La baisse brutale de la glycémie (taux de sucre sanguin) peut s’accom- pagner de troubles du compor- tement, mais aussi d’une sueur, d’un malaise et d’une fatigue générale, jusqu’au trouble de la conscience,
• une pathologie neurologique centrale (hémorragie, tumeur...). L’existence de symptômes mo- teurs ou sensitifs, inhabituels dans la bouffée délirante, permet d’y voir rapidement plus clair,
• une crise d’épilepsie. Au sortir d’une crise d’épilepsie, le pa- tient peut être confus pendant quelques minutes, avec une perte de mémoire importante. Mais tout rentre dans l’ordre ra- pidement,
• une intoxication par l’alcool, les amphétamines, le LSD, le canna- bis...,
• un traitement médicamenteux
(corticoïdes...).
DIAGNOSTIC DE CERTITUDE
Si la bouffée délirante aiguë ne fait guère de doute, il va quand même falloir éliminer toutes ces pathologies. Un examen clinique attentif est donc indispensable avec prise de température, prise de sang, examen d’urines, voire élec- troencéphalogramme ou scanner
lorsqu’une atteinte cérébrale orga- nique est suspectée.
HOSPITALISATION DE PRINCIPE
La bouffée délirante aiguë est une urgence car le patient peut fuguer, attenter à ses jours ou être agressif vis-à-vis de son entourage. Elle né- cessite une double prise en charge psychiatrique et médicamenteuse. L’hospitalisation est donc de mise. La régression des symptômes est parfois obtenue spontanément, ou en deux ou trois semaines sous neuroleptiques et anxiolytiques. En l’absence de traitement médi- camenteux, la crise peut durer des semaines ou plusieurs mois. Un suivi pendant un à deux ans est nécessaire, pour s’assurer que le patient n’entre pas dans une patho- logie psychotique durable. Sché- matiquement, plus la première bouffée est difficile à traiter et donc se prolonge dans le temps, plus les risques d’évolution vers une patho- logie psychique chronique sont importants.
ÉVOLUTION
La moitié des patients ne connaî- tront qu’une bouffée dans leur vie ou quelques rares crises par intermit- tence, les autres en revanche évo- luent vers une schizophrénie, une psychose chronique ou une maladie bipolaire à court ou long terme.
Dr Daniel Gloaguen
FORME CATATONIQUE
Dans certains cas, la bouffée délirante prend l’aspect d’une
crise de catatonie, autrement dit une prostration accompagnée de mouvements stéréotypés. Le patient atteint d’une forme de bouffée catatonique se refuse à parler et ne s’alimente plus, d’où l’apparition de complications liées à l’absence de mouvements (escarres, embolies...) et à la dénutrition.
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