Page 10 - Présentation Salon Montrouge : Perdu
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Ma belle-fille a quitté mon fils ce matin. Pour elle, il reste encore un infime espoir de maternité qu’elle ne veut pas laisser passer. Mon fils a pleuré comme un enfant, comme un désespéré ; je n’ai pas réussi à lui offrir d’espoir pour le réconforter. Je lui ai toujours appris le respect de la femme, la liberté pour chacune d’elles de disposer de son corps, de ne pas en être une esclave. Pourtant l’an dernier, ceux et celles qui rêvaient d’enchaîner à nouveau les femmes à leur destinée biologique de mères ont gagné. Des lois ont été écrites, examinées, débattues, adoptées et promulguées pour interdire aux femmes d’avorter. Bientôt on leur interdira tout moyen de contraception.
Depuis l’an dernier, j’ai cessé de voter. Si les révolutions n’étaient pas si violentes, j’en
aurais espéré une. Des femmes sont désormais traquées comme elles ne l’ont jamais
été. L’époque de Vichy, pourtant lointaine, remonte à la surface. Une femme avait été guillotinée en 1943 pour avoir aidé d’autres femmes à avorter. Aujourd’hui, ceux qui les aident sont condamnés à la prison à vie et pour ces femmes, internées dans des centres d’Etat, la loi oblige les médecins à pratiquer sur elles une insémination artificielle et à les séquestrer pour qu’elles mènent leur grossesse à terme. Tel est leur châtiment. Le temps de leur grossesse, leur ventre ne
leur appartient plus, il devient la possession de cet Etat qu’elles ont voulu voler. Libre à elles de gar- der leur enfant ou de le donner en adoption. Elles ont fait leur devoir, elles ont donné un enfant au pays.
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