Page 4 - BAREILLE
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Préface, la toile, à Moni
4 © Monique Bareille - artiste peintre
Des mots. Des mots qui hésitent. Des pas l'un l'autre occupent maladroitement l'espace d'une toile imaginaire qu'ils esquissent. La peur de l'espace de vie. Comment entrer en contact ? Il est là. Ils sont là devant l'espace de ma toile. Elle est blanche, virginale. Les mots s'estompent. Leur rythme se ralentit jusqu'à devenir inaudible. Tu m'entends ? Et tu ris. Tu parles une langue étrangère, enfin, une langue des hauts plateaux. Des mots. Moins. Silence presque. Une respiration. Les mots la cherchent, s'échappent à nouveau. L'anarchie de son souffle la disperse, croit-on. De sa colère, l'espace est secoué en place nécessaire. Dans la mémoire de ses mains brûle une langue argile.
Des gestes. Le corps en hésitation, en bascule, se penche vertigineusement vers le sol. Elle peut chuter à tout moment. Elle peut respirer aussi. Elle peut chanter. Sa bouche se tord. La cigarette en commissure des lèvres. Le corps caresse sauvagement le sol à la recherche de ses racines. Le tronc se relève ; Non, ce n'est pas un arbre ; un cep de vigne en automne avant que le raisin ne s'épanche sur la toile. Noir une masse noire qu'elle essuie. Le bras se lève, retombe sur la toile à plat. Elle cherche le papier buvard. L'oeil ne suit pas. Il est le geste. Précis ; celui qui va reproduire la trace en autant de pas qu'il faut pour atteindre le chant. Une musique free, un tempo jazz. Le pinceau dans la main peut s'élancer sur la toile. Le geste rageur qui plus tard dira, scandé jusqu'à l'évocation de l'enfant. Le geste s'interrompt pour laisser place à la parole. Pourra-t-elle l'imprimer sur la toile ? Non, elle est hors cadre. Lorsqu'elle se retourne, elle est couleur.
La peinture. Elle commence par. Oui. C'est cela. L'omission. Elle a peint le noir. Le noir s'est posé sur la toile, s'étalant. Mais il s'en échappe. Elle parle et mêle le geste à la parole. Jusqu'au lapsus. Il a fallu qu'elle lâche. Il est tombé comme un escargot sur la toile. Dans la métaphore, il lui faut le geste à joindre, une matière à poser, un palimpseste à révéler. Je la vois à l'envers. Toujours à l'envers. Parfois par transparence. La transparence comme une vertu. Une vertu illusoire. Montrer. Tout montrer. Tout dire. L'apparence de la transparence. Encore plus trompeuse. Elle ne s'y trompe pas. Reprend le rythme. Tarn, Tarn. La musique vient-elle de l'extérieur? La toile s'ouvre-t-elle sur le monde? Une fenêtre. Un regard. Une peinture. Un silence. Un elfe. Une tâche rouge. Rouge du sang, du sang qui s'écoule de nos veines. Qui se répand sur le sol et trouve sa voie dans le ruisseau. Ne pas oublier. Des battements. Le tambour. Le cœur. De la chair. Humaine.
L'épaisseur qui ne sied pas à la transparence. Est-elle dans la toile ? Si la toile était telle. Elle est dedans. Et dehors. Elle est la toile. Elle est l'espace. Elle est le plan. La peinture est adresse. Poste restante. De toutes les traces que tu traverses. Une trace. A sa place. Une transe.
Yves Doazan


































































































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