Page 56 - cnrdd-suite
P. 56

 2
DES CHOIX ÉNERGÉTIQUES À L’HUMANISME ÉCOLOGIQUE, RÉÉCRIVONS NOS RÉCITS FONDATEURS
2.2
« DU CÔTÉ DES HUMAINS »
L’humanisme qui a mis à distance la pensée dogmatique pourra-t-il nous y aider en reformulant les
« valeurs humaines » ?
Il y a toujours de très bonnes raisons : vouloir dé- passer une condition affligée de maux délétères (fa- mines, maladies, confrontations impuissantes aux adversités naturelles...) se justifie. Cela devient un moteur puissant, quand il se conjugue avec une cu- riosité et une inventivité sans fond...
La « nature » n’offre-t-elle pas des ressources sans limites ? Pour y puiser en toute bonne conscience et (presque) sans risques ne faut-il pas se sentir « au- torisé » ? Pour en accepter les conséquences par- fois violentes, il faut pouvoir penser que ce sont des « accidents » isolés et ne pas voir l’enchaînement des causes. D’autant plus que ces conséquences sont souvent insidieuses et se cumulent lentement. S’agit-il d’une cécité collective ?
En occident on attribue souvent la racine de cette autorisation de toute puissance à l’idée que la « na- ture » a été créée (par Dieu) à l’usage de l’homme et que par conséquent, il peut la « faire évoluer et la transformer à sa guise », en fonction de ses be- soins. Ce schéma que consacre l’opposition entre nature et culture, traverse – avec des interpréta- tions diverses- toute la pensée occidentale ju- déo-chrétienne.
« (....) la nature est là pour que l’homme puisse la modifier et la transformer à sa guise.
Bacon et Descartes l’interprétèrent (...) et leur in- terprétation, bien qu’elle ait suscité des contradic- teurs – a été intégrée dans l’idéologie des sociétés occidentales modernes, communistes aussi bien que capitalistes, puis exportée en orient. »5
A quoi fait écho Lynn Whyte Jr. dans un article – contesté et en partie renié- paru en 1967.
« Cependant, l’actuelle crise de l’environnent pla- nétaire qui ne cesse de s’aggraver est le produit du dynamisme technologique et scientifique né du monde médiéval occidental (...). » 6
Avec la révolution industrielle du XIXème siècle, le sentiment de son droit à dominer à ses fins exclu- sives, conjugué à l’utilisation d’énergies qui dé-
passent les forces naturelles « communes » ont eu pour conséquences d’intenses pressions sur les équilibres lentement façonnés et qui constituent le cadre de référence.
L’accélération des mutations dévient évidente. Peu à peu l’observation et la science ont explicité l’éten- due des impasses engendrées par une exploitation abusive des milieux et une rupture des équilibres. Ces atteintes ne pouvaient que heurter une sensibi- lité répandue dans la société de l’époque, tournée vers l’exaltation de la nature et la contemplation de la perfection des agencements systèmes naturels.
De constats locaux et thématiques disjoints (dégâts sur la forêt, l’eau, les espèces, la qualité de l’air...), on est passé progressivement à l’idée que ces phé- nomènes sont reliés et font partie d’un système. Ces réflexions rejoignent un courant de pensée qui aboutit à la constitution d’une science : l’écologie (Haeckel 1866) 7.
Des alarmes sont tirées, tant en Amérique qu’en Europe. Il est intéressant de les mettre en regard de la pensée contemporaine :
on ne peut qu’être frappé de la convergence entre les préoccupations de ces auteurs du XIXème siècle et celles de notre époque ;
   Commission Nationale de Réflexion sur le Développement Durable (CNRDD) Mars 2021 - P56
2.2.1 L’HOMME EN POSITION DE DOMINATION, À L’ORIGINE DE LA CRISE ÉCOLOGIQUE














































































   54   55   56   57   58