Page 42 - MOBILITES MAGAZINE n°37
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                 Technologies & innovations
    PEU DE DOUBLONS CÔTÉ PRODUCTION ET SITES DE FABRICATION
Du côté des sites industriels, les implantations respectives d’Alstom (15 sites) et de Bombardier (20 sites) en europe semblent, à première vue, plus complémentaires que concurrentielles. Y compris en France, où le problème majeur qui se pose est plutôt celui d’un monopole à venir du futur groupe unifié sur le marché national. Mais aussi pour certains produits comme les voitures à deux niveaux tWinDeXX ou les trams-trains Citadis Dualis spécialités respectives de Bombardier et d’Alstom.
Une situation de complémentarité qui se retrouve en grande partie en France et éliminerait à priori les éventuelles menaces qui pèseraient sur l’emploi. là où les deux partenaires ne totalisent pas moins de 11 500 emplois directs, soit environ 16% de leurs effectifs cumulés. Aussi, dès l’annonce de l’opération, Henri Poupart-lafarge, PDg d’Alstom, a voulu préciser dans une interview au quotidien économique les échos que « la transaction n’est pas du tout pensée dans une idée de restructuration (car) il n’y a pas de redondances à éliminer, surtout dans le Nord de la France où nos deux usines sont chargées comme des œufs, avec une visibilité de quatre cinq ans ».
Si on se limite à l’europe, puisque c’est sur le Vieux continent que les retombées et les enjeux politiques et sociaux de l’industrie ferroviaire restent les plus forts, quelques possibilités de « doublons » de sites de production peuvent néanmoins apparaître. Plus que du côté des matériels à grande vitesse, où les produits et les marchés sont bien délimités, c’est le domaine de la construction des trains régionaux qui est concerné, bien que plutôt à la marge.
Hors du cas français, où une clarification des tâches sur la base de synergies nouvelles devrait nécessairement se faire entre Reischshoffen (Alstom) et Crespin (Bombardier), le même problème pourrait se poser en Allemagne entre Salzgitter et Hennigsdorf. Mais ici il serait, d’une certaine manière tempéré technologiquement dans l’avenir, en raison des spécialisations respectives à venir de ces sites entre l’hydrogène, avec les rames i-lint pour le premier, et les batteries, avec les rames talent 3 pour le second.
Le cas des locomotives
le cas des sites de construction de locomotives est plus complexe. l’usine Alstom de Belfort est déjà fragilisée, en raison d’une moindre demande. Même si, en juillet 2019, la commande SnCF de 12 rames tgV Atlantique - soit 24 motrices - lui a offert un nouveau souffle pour une durée d’environ deux ans. tandis que des menaces de transfert de charge vers Salzgitter, premier site allemand d’Alstom, pèsent sur l’usine de Stendal (Saxe-Anhalt) qui est désormais spécialisée dans les locomotives fret hybrides ou à batteries.
Chez Bombardier, l’organisation de la production dans le domaine des locomotives se concentre essentiellement sur la tRAXX, une locomotive universelle (fret et voyageurs) et multi- systèmes (1,5 et 3 KV continus, 15 kV-16 2/3 et 25 kV alternatifs), dont le succès est spectaculaire avec plus de 2200 exemplaires vendus, en construction ou en commande. la production s’organise géographiquement entre les sites de Wroclaw, en Pologne (caisses et mécanique), de Vado ligure, en italie (montage de la version italienne en 3 kV continu), et de Cassel en Allemagne (montage final pour toutes les versions). Dans cet ensemble, c’est le niveau de commandes du site de Vado ligure qui poserait aujourd’hui problème, parce qu’il se trouve trop spécialisé en fonction du marché local.
Chez Bombardier-Allemagne, une réorganisation des sites a été lancée en 2017 avec la mise en place de « centres de compétences » (avec la totale reconstruction de celui de Bautzen, nDlR.) répartis selon les produits. Ce qui a eu pour conséquence la disparition de plus de 2000 postes de travail. Dans ces conditions, la fusion-acquisition ne devrait - théoriquement - pas avoir d’autres conséquences sur l’emploi...
Côté production de tramways, les deux groupes sont très présents sur le marché, où leur concurrence n’empêche pas pour autant une certaine complémentarité des produits, en raison même de leurs différences d’options qui permettent de satisfaire un large choix de clientèles avec les deux gammes respectives Citadis d’Alstom et Flexity de Bombardier. on retrouve le même équilibre, géographique cette fois, dans la répartition des sites principaux de production des tramways. Avec, principalement, la Rochelle-Aytré en France et Bautzen et Allemagne. Même si, puisque le partage des tâches entre usines l’oblige, d’autres sites industriels, comme ceux de Valenciennes et de Katowice pour Alstom, et celui de Vienne pour Bombardier, jouent aussi un rôle important dans la production des tramways et des métros urbains.
ayant ses propres délais de pro- cédure ».
On assisterait à la naissance d’une forte puissance de frappe indus- trielle avec la création du second groupe ferroviaire mondial. Pour le moment, il n’existe toutefois que sur le papier, en l’attente du « feu vert » de Bruxelles. Même en cas d’accord, et même si les emplois existants n’étaient pas en cause, comme l’a affirmé par ail- leurs Henri Poupart-Lafarge (voir encadré), et ce en dépit de ces « économies d’échelle » évoquées dans le communiqué de Bombar- dier Transport, beaucoup restera encore à faire pour créer un nouvel esprit de groupe, pour « apprendre à vivre ensemble » et non côte à côte en concurrents. il s’agira no- tamment de mettre progressive- ment en synergie un très grand nombre de fonctionnalités aussi essentielles pour l’avenir que la Recherche & Développement, le développement des produits et les circuits d’achats et d’approvi- sionnement.
Et cela au moment où les cartes d’une mondialisation qui a pro- fondément marqué la récente his- toire industrielle vont sans doute être largement rebattues.
Une mondialisation fragilisée peut-elle remettre en cause la fusion ?
En effet, un nouvel acteur totale- ment inattendu, le Covid-19, est tragiquement entré en scène. Et sa présence risque de modifier profondément les conditions, et plus en encore les conséquences d’un classique scénario de fusion- acquisition tel qu’il s’est maintes fois déroulé durant ces dernières années dans le cadre d’une mon- dialisation sans cesse accélérée. À son issue, dont l’horizon reste toujours aléatoire, la pandémie devrait en effet fortement remettre en cause, voire peut-être mettre
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