Page 3 - MOBILITES MAGAZINE N°35
P. 3

                               Editorial
Le concours Lépine
En ce début d’année 2020, plus personne ne semble douter de la proche fin du monde. Si le réchauffement ne nous étouffe pas, la montée des eaux nous noiera, à moins que Covid-19 n’ait notre peau avant... Oubliant souvent un peu vite que la France est, pour une fois peut-être, un des très bons élèves parmi les pays développés en
matière de rejet de CO2, nombre de candidats ont donc drapé de vert leurs promesses de campagne. Haro sur l’automobile, un des quatre cavaliers de notre apocalypse moderne, et vive le vélo, voilà qui résumerait assez bien la teneur de nombre de propositions relevées ces dernières semaines. Comme toujours dans ce genre de mode, beaucoup oublient un peu vite la réalité des flux de population nécessaires au bon fonctionnement économique de notre société. Si quelques-uns pensent encore qu’il suffit de traverser la rue pour trouver un travail, beaucoup sont surtout obligés de faire de longs trajets
pour conserver le leur.
Ces mêmes candidats jettent aussi bien souvent un voile pudique sur la distribution exacte des responsabilités administratives, qui les empêchera parfois de réaliser leur rêve. Dans le même ordre d’idée, certains des grands travaux envisagés - verdissement du périphérique parisien, ligne circulaire de métro automatique autour de Nantes, etc. - pêchent quelque peu par manque de réalisme en termes de financement. Dans une ambiance lourde de budgets contraints et de réticence à l’impôt, le coûts sont ici judicieusement mis de côté. Enfin, l’observateur amusé assiste depuis
quelques semaines à un véritable concours de plantations dans nos agglomérations. L’idée n’étant pas de mettre les villes à la campagne (concept testé dans les années 70 au Cambodge, avec les conséquences que l’on sait), mais de réintroduire une nature fantasmée au cœur des cités, à grand renfort d’arbres en pots et de chaussées gazonnées... Le florilège des « vues d’artistes » qui agrémentent désormais les programmes électoraux, peuplées d’enfants joyeux et de cyclistes épanouis dans une ambiance urbaine « apaisée », ressemble à si méprendre aux meilleurs prospectus immobiliers vous promettant un « coin de verdure », à deux pas de l’autoroute... On aurait presque besoin d’y croire.
PIERRE COSSARD / Directeur de la publication
    MOBILITÉS MAGAZINE 35 - MARS 2020 - 3
        

























































































   1   2   3   4   5