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  >>> comme une réponse à un malaise, et c’est de cette manière qu’on se retrouve dans l’addiction. Elles sont perçues comme un soutien, un adoucisseur de la vie, une canne, une aide ponctuelle sur laquelle on s’appuie pour mieux tenir. Il faut donc sensibiliser les étudiants dès le début de leur formation. » La Fédération natio- nale des étudiants en soins infir- miers (Fnesi) a publié le 18 sep- tembre une enquête * sur le bien-être des étudiants en soins infirmiers (ESI). Leurs réponses, globalement inquiétantes, font état d’un malaise constant. L’en- quête révèle que 21,7 % des ESI ont consommé de la drogue depuis leur entrée en formation ; 18,8 % consomment du cannabis, principalement « pour son effet anxiolytique, nécessaire en raison de leurs conditions d’études et de vie », explique Antoine Jourdan, vice-président de l’innovation sociale à la Fnesi ; 19,4 % des étu- diants buveurs d’alcool annoncent une augmentation de leur consommation depuis leur entrée à l’IFSI. Côté médicaments, 20,5 % des ESI ont pris des anxiolytiques depuis le début de leurs études. Ils sont 33,9 % à avoir déjà souf- fert de crise d’angoisse en for- mation et 19 % de dépression.
Menaces sur l’exercice professionnel
La dépendance physique, psy- chique et comportementale n’ar- rive pas du jour au lendemain, elle est progressive. « Cela com- mence par la prise d’un anxioly- tique ou d’un stimulant pour être en forme le lendemain car on est débordé, indique le Dr Pinton. Puis on en prend un autre, avec un verre de whisky, puis deux verres et trois médicaments...Entre la prise de conscience du problème et l’action, cela peut prendre des années. » Généralement, tant qu’il n’y a pas de retentissement sur le travail ou la famille, la per-
sonne n’agit pas. Et si l’addiction est régulée, personne ne la verra. Pourtant, elle n’est pas sans risque. Outre le fait de mettre sa santé en danger, la dépendance peut aussi mettre la vie des autres, celle des patients, en péril, et le professionnel prend le risque de perdre son droit d’exercer. En cas de situations conflictuelles, c’est l’Ordre national des infirmiers (ONI) qui tranche. Si un signale- ment lui est rapporté par un patient ou un collègue, l’ONI convoque l’infirmière par l’inter- médiaire de deux élus chargés de se faire une idée de la pro- blématique. « Il n’est pas question de clouer quelqu’un au pilori. Si, lors de l’échange, les élus s’aper- çoivent qu’il n’y a ni signaux ni difficultés avérées, aucune suite n’est donnée », explique Karim Mameri, secrétaire général de l’ONI. En revanche, lorsque des éléments de risques sont consta- tés, l’Ordre peut orienter l’infir- mière vers des spécialistes et des structures d’assistance sociale. Si la soignante n’est pas en arrêt de travail, le conseil départemental de l’Ordre demande à son conseil régional de diligenter une exper- tise en présence de trois méde- cins. « L’Ordre n’est pas apte à décider si l’infirmière est en capa-
 Nathalie Bouzats, Idel à Lannemezan (Hautes-Pyrénées), titulaire d’un diplôme universitaire en addictologie et en alcoologie
« Si la personne souhaite se faire aider, la moitié du travail est fait »
 « J’ai rencontré plusieurs fois des Idels dépendantes à l’alcool, dont une qui
en est décédée. Mais comme nous exerçons notre métier en voiture, les choses ne peuvent pas aller très loin. Lorsqu’une suspension de permis est prononcée, les infirmières ne peuvent plus exercer. Un jour, j’ai fait appel à une Idel dans mon cabinet. Elle était dépendante à l’alcool. Je l’ignorais bien sûr.
Ce sont mes patients
qui m’ont signalé des comportements étranges, de l’agressivité, une certaine exubérance. Quand je lui en ai parlé, elle était dans le déni. Pourtant, si la personne souhaite se faire aider,
la moitié du travail est fait. En libéral, l’addiction n’est pas forcément en lien avec la pratique car, avant
de nous installer, nous savons que nous allons
devoir encaisser. Nous subissons moins de stress en libéral qu’à l’hôpital,
où j’ai exercé pendant
vingt ans. J’ai entendu
des IDE hospitalières
dire qu’elles prennaient
des anxiolytiques pour tenir le rythme pendant
la nuit. Cela dit, vu la pression que nous supportons, je ne suis
pas surprise d’apprendre que le nombre d’infirmières dépendantes augmente. »
  28 L’infirmière libérale magazine • n° 342 • Décembre 2017













































































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