Page 37 - L'INFIRMIERE LIBERALE MAGAZINE _ NOUVELLE FORMULE
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                dossier
   Thomas Chihaoui, Idel à Paris et titulaire d’un diplôme universitaire en addictologie
« La prévention est inexistante en libéral »
« Les soignants ne sont ni plus ni moins concernés par les conduites addictives que le reste de la population. J’ai connu des soignants qui avaient des consommations à risque ou problématiques,
dont certains qui étaient dépendants. C’est lié au parcours individuel des gens. La dépendance, c’est la rencontre entre
un moment, un produit et une personne dans toute sa singularité. Nous exerçons un métier difficile, mais nous ne le faisons pas
par hasard. Il est vrai cela dit que les problèmes liés à la profession n’aident pas les personnes en situation de dépendance à s’arrêter, ils peuvent même aggraver les choses. Il faut rappeler qu’en tant que libéraux, nous n’avons pas accès aux services de santé
des hôpitaux, à la médecine préventive ou au CHSCT,
qui pourraient éventuellement nous épauler. On est seuls,
la prévention est inexistante en libéral. L’Ordre n’a jamais lancé de campagne sur ces problématiques alors qu’il est l’organisme de tutelle des libéraux. C’est à lui d’agir. »
des clauses d’exclusion pour la psychiatrie. SPS se rapproche actuellement des organismes de prévoyance afin qu’ils deviennent des centres de prévention. « L’idée serait qu’ils organisent des stages sur la question de l’ad- diction ou sur l’organisation du cabinet pour ne pas être en burn- out. Y participer conditionnerait la validité du contrat de prise en charge en cas de difficultés », indique le Dr Henry, regrettant le manque de moyens dédiés à la prise en charge des soignants. D’ailleurs, le groupe Ramsay Générale de Santé a annoncé l’ou- verture, le 16 octobre à Louhans (Saône-et-Loire), d’une clinique de psychiatrie générale dédiée uniquement à l’accueil des pro- fessionnels de santé (lire l’inter- view p.30).
Le centre de rééducation du
Dr Pinton fait lui aussi les frais du manque de moyens. « Nous avons un projet spécifique pour
les soins aux soignants, que nous avons présenté plusieurs fois à l’ARS, mais nous n’obtenons pas
de financement, regrette-t-il.
Nous ne pouvons donc pas l’ap- pliquer. » Au centre, les patientes
sont prises en charge pendant
trois mois. « Certaines arrivent
en étant encore dans le déni, explique le Dr Pinton. Il y a une
telle motivation extrinsèque qu’elles viennent se faire soigner >>>
   cité ou non d’exercer. La décision revient aux médecins. La procé- dure est réglementaire, explique Karim Mameri. En fonction du retour des experts, une interdic- tion d’exercice provisoire peut être prononcée par l’Ordre le temps de la prise en charge. » Dans des situations de crise, l’ONI peut aussi faire un signalement à l’Agence régionale de santé (ARS) pour qu’elle prenne une mesure de suspension de l’exer- cice infirmier dans l’urgence. « Les conséquences peuvent être graves pour l’activité d’une Idel, reconnaît Karim Mameri. Mais quand on a d’importants pro- blèmes de santé, ce n’est pas anodin. Bien entendu, elle a la possibilité de se faire remplacer. »
Honte et déni
Difficile de se faire aider sans prise de conscience de son état pathologique, de passer du statut de soignant à celui de soigné, « surtout à cause d’une addiction, car cela génère une certaine dévalorisation et une honte. Le déni est alors encore plus impor- tant », rapporte le Dr Pinton. Parmi les premiers interlocuteurs aux- quels s’adresser : le médecin trai- tant, un psychologue ou un psy- chiatre. L’Idel peut aussi contacter
des plateformes téléphoniques dédiées, comme celle de l’asso- ciation SPS. « Nous essayons de trouver des psychologues libéraux et des médecins généralistes for- més pour accompagner leurs col- lègues en difficulté », souligne le Dr Éric Henry. La priorité devrait être donnée aux psychologues car, selon une étude menée en 2016 par SPS, c’est la demande de 60 % des sondés, pour les- quels « consulter un médecin ou un psychiatre, c’est reconnaître que l’on est malade, pointe du doigt le Dr Henry. Respectons leur souhait. » Autre obstacle pour les Idels : la prise en charge financière de l’accompagnement. Les contrats de prévoyance des libé- raux contiennent généralement
IDE DÉPENDANTS ET VOL DE MORPHINE
Soupçonnés d’une dizaine de vols de dérivés de morphine dans les hôpitaux
où ils exerçaient en intérim, un couple d’infirmiers a été interpellé en septembre
dans les Pyrénées-Atlantiques, a rapporté France Bleu Béarn. Les époux suivaient
un traitement à base de méthadone, un produit de substitution aidant au sevrage. Les hôpitaux, réalisant régulièrement leur inventaire, ont compris que les disparitions de médicaments avaient lieu pendant leur service. Le couple a reconnu les faits
et fait part de son addiction, assurant de ne pas alimenter un trafic. Les IDE ont été remis en liberté sous contrôle judiciaire, avec interdiction d’exercer jusqu’à leur procès, prévu fin janvier. Ce vol de morphine par des IDE est loin d’être une première. En 2007 par exemple, une Idel de 30 ans avait été condamnée à six mois de prison avec sursis et deux ans de mise à l’épreuve avec obligation de soins et interdiction de fréquenter les hôpitaux et les cliniques pour un vol d’ampoules de morphine dans un hôpital
de Seine-et-Marne où elle s’était introduite en se faisant passer pour une intérimaire. « C’est un métier difficile, avait souligné le procureur (Le Parisien, 27/2/2007).
Cette personne a entamé des soins de façon sérieuse, même s'il y a cette rechute. »
 L’infirmière libérale magazine • n° 342 • Décembre 2017 29
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