Page 3 - Voyages & groupe n°26
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”Du plomb dans l’aile
L’ avion est devenu la bête noire du climat. Depuis quelques mois, des citoyens se mobilisent pour appeler à son boycott, notamment en Suède où le mouvement « flygksam» (littéralement : « la honte de prendre l’avion »), né sur Instagram en 2018, incite les voyageurs à privilégier tout autre moyen de transport. « En Suède, le trafic aérien a diminué de 4,5% au premier trimestre 2019. C’est presque 400 000 passagers en moins », partageait sur Twitter, en avril dernier, Greta Thunberg, la jeune Suédoise écolo activiste.
Le « flygksam » n’a pas encore franchi les frontières de l’Hexagone, mais la prise de conscience fait boule de neige. Voyager ou polluer ? Telle est la question. Selon un sondage BVA réalisé pour Les Entreprises du Voyage, 37% des voyageurs aériens français ont déjà envisagé de
changer de comportement pour des raisons écologiques et 26% pourraient y renoncer. Comment? En choisissant une destination moins lointaine (49%), en abandonnant l’avion pour un mode de transport moins polluant (44%) ou, plus drastiquement, en se privant de voyager (30%).
En attendant, le secteur du transport aérien est sous pression, subissant le feu des
critiques pour ses émissions de dioxyde de carbone (CO2). Accusé de sous-estimer
son impact environnemental. Mais, il se rebiffe ! Et s’engage à améliorer son efficacité
énergétique de 1,5% par an d’ici à 2020, à stabiliser ses émissions de CO2 dès l’an
prochain pour viser une réduction de 50% en 2050 par rapport au niveau de 2005.
L’affaire n’est pas simple car, selon les prévisions de l’Association internationale du
transport aérien (Iata), le nombre de passagers devrait doubler au cours des deux pro-
chaines décennies pour atteindre 8,2 milliards en 2037 (contre 4,5 milliards prévus
cette année... et plus de 100 000 vols par jour). Des pistes ont été tracées, misant sur
des innovations technologiques, et surtout afin d’écarter d’éventuelles « taxes vertes », que le gouvernement français s’est d’ailleurs empressé de mettre sur le tarmac dans le cadre de la Loi d’Orientation des Mobilités (LOM). En vain. Mais, la turbulence s’est produite le 9 juillet, lorsqu’Elisabeth Borne, ministre chargée des Transports, annonce la mise en place en 2020 d’une écotaxe de 1,50 à 18 euros sur les billets d’avion pour tous les vols au départ de la France, sauf vers la Corse et l’Outre-mer, et sauf vols en correspondance. Une mesure « contre-productive », pour Les Entreprises du Voyage, et qui s’appliquera à toutes les compagnies aériennes.
Selon l’Organisation internationale de l’aviation civile (OACI), le transport aérien n’est responsable que de 2% des émissions de CO2 mondiales. Mais, « une fois tous ses effets pris en compte (traînées de condensation, oxydes d’azote, etc.), il est responsable de 5% du réchauffement climatique », ajoute le Réseau Action Climat.
Pour autant, les milliers d’avions qui volent dans les airs au moment où nous écrivons ces lignes ne transportent pas que des touristes. Mais les données de l’Organisation mondiale du tourisme (OMT) sont sans équivoque : 85% des trajets in- ternationaux sont de l’agrément. On ne pourra donc pas réduire l’impact du transport aérien sans revoir la définition du tourisme. Sauf que l’envie d’aller chercher à des milliers de kilomètres le soleil en hiver, ou de succomber aux tarifs alléchants des low cost, n’est pas près de disparaître.
CATHERINE MAUTALENT / Rédactrice en chef “ VOYAGES & GROUPE 26 - JUILLET/AOÛT 2019 - 3
Editorial
  
















































































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