Page 19 - PANORAMA N°212
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 HOMMAGE
 Chacun les sait, pour qu’une association, un club ou un groupe fonctionne, il est nécessaire que des membres acceptent de prendre des responsabilités, et que d’autres s’engagent
dans les différentes tâches tel le technique, l’animation, l’administratif...
L’organisation au sein du club 41 prévoit aussi bien au national qu’en région ou en club des élus et des cooptés, ou aide technique. L’activité de rédacteur est de ceux la. Par exemple, pour que votre région soit informée, connaisse l’actualité et puisse découvrir en images les réalisations, il est préférable d’avoir un bon rédacteur. À défaut, c’est souvent le secrétaire qui assume cette tâche, mais, secrétaire est déjà une lourde occupation. Nous connaissons tous des « figures » du 41 : ces personnes engagées, souvent entières et qui possèdent un art pour nous emmener soit en parole dans un fabuleux récit, soit en compte rendu et nous donner envie de voyager ! J’avais envie de vous proposer de vous souvenir, ou de penser à ceux qui s’investissent pour nous.
Pierre était de ceux-la.
Philippe SALENNE - Rédacteur national 2018-2019
 Pierre de NUSSAC nous a quitté mi-mars après avoir fêté son 85è anniversaire. Pierre était une « figure » et une « gueule » du 41, bien connu des présidents nationaux qu’il hébergeait régulièrement dans sa propriété d’Onzain dans le Loir-et-Cher.
Membre fondateur de la Table Ronde de Blois en 1965, puis du Club 41 de Blois 100 en 1976, Pierre de NUSSAC a été également pendant de nombreuses années Rédacteur de la Région 3. Toujours un appareil photo autour du cou, il était bien connu au national et en région pour ses reportages rédigés d’une plume érudite, parfois carnassière, mis en page et illustrés par lui-même. Plusieurs de ses articles ou billets d’humeur ont d’ailleurs été publiés dans Panorama. Pierre était un homme « universel », aux multiples compétences : féru d’histoire et de littérature, mécanicien (il géra avec son épouse Claude l’entreprise Boucault, de vente de pièces automobiles jusqu’à leur retraite), mais aussi maçon, électricien ou plombier à ses heures, photographe averti et parfait connaisseur des outils informatiques.
Pierre de Nussac était aussi le patriarche du « Clan Nussac », avec Claude et leurs 5 filles dont Anne, AGORA à Blois 57 et son mari Thierry MORCHOINE qu’il avait présenté en 2005 au club en formation de Vendôme 300 comme 12è homme (et possible « membre fantôme ») et qui est aujourd’hui président de la Région 3.
Sous des dehors parfois rugueux, Pierre était un véritable humaniste et portait haut et fort les valeurs d’amitié, de tolérance et d’entente entre les peuples. Avec Pierre de NUSSAC, c’est un grand 41, un homme d’honneur qui a tiré sa révérence en ce printemps 2019.
Thierry MARCHOINE - Président de la Région 3 Val de Loire, Centre, Nouvelle Calédonie 2018-2019
  Mes amis les métèques...
Durant l’adolescence de nos filles, nous en avons cinq, et comme nous habitions une grande maison, nous avons reçu durant des périodes plus ou moins longues des étudiants étrangers. Claude et moi, nous pensions que les contacts avec des jeunes d’autres pays ne pourraient qu’être salutaires à l’éducation de nos enfants.
Généralementcesjeunes,ilsavaientenvironunevingtained’années, venaient en France pour y apprendre notre langue. Nous reçûmes une douzaine d’Américains, généralement pour dix semaines mais l’un deux resta près de six mois, un anglais en fit autant, il y eut des allemands et j’en oublie certainement. Dans la ville on savait qu’on pouvait toujours demander aux de Nussac, ils avaient toujours une petite place pour recevoir.
Nos filles pendant ce temps grandissaient et quittaient petit à petit la maison familiale. L’espace nous semblait vide. Pourtant une fois, on nous proposa d’héberger un Turc, un Roumain, un Syrien ou un Algérien.
Claude, elle est comme ça ; la générosité à fleur de peau. Elle décida d’un coup deprendrelelot.IlyavaitMourrath,Mirka,FouadetMamhoud. Mourrathle turc, musulman peut-être, connaissait bien le Coran mais mangeait du porc et se rinçait la gorge au Breton, il parlait aussi bien d’Epicure que de Zoroastre ; Mirka, communiste, souhaitait partager tous les plaisirs de la vie ; Fouad, un chrétien d’une de ces nombreuses églises du Proche Orient mordait la vie à belles dents et ressemblait à un bas-relief d’Assourbanipal, et enfin Mahmoud, qui tâtonnaitentreLénineetleProphète.
Nous écoutions, heureux et quelquefois surpris, ces jeunes hommes reconstruirent le monde. Ils ne dépassèrent jamais la véhémence et malgré leurs différences ils surent toujours se respecter. Il est vrai que tous connaissaient Molière et Balzac ; ils avaient tous lu Voltaire et Rousseau.
Je me souviens encore du jour où Claude nous prépara des tomates farcies. Nous mangions sur une terrasse, le temps était doux, le ciel clair et serein et une petite brise rendait le soleil moins ardent. Le magnifique plat apparu et la brise nous apportait les fumets de la farce. Mourrath, Mirka et Fouad se servirent tour à tour. Claude intervint : « j’ai préparé autre chose pour Mamhoud, il y a du porc
dans la farce ». On vit le visage du jeune homme s’assombrir et ses amis d’en sourire et de lui expliquer qu’on doit aller au bout de ses convictions...
Ces jeunes hommes sont repartis dans leur pays, plus tard nous avons gardé quelques relations avec la Syrie que le temps a estompées.
Jamais nous n’avons rencontré de tels échanges avec des étrangers. Je crois que la langue modèle la pensée et sa maîtrise permet de toucher aux nuances de l’âme.
J’ai traversé l’océan à plusieurs reprises, j’ai rencontré des hommes qui voulaient savoir pourquoi dans mon pays le pain n’a pas le goût du leur ; pourquoi nous mettons nos mains sur la table alors qu’ils en ont toujours une par-dessous ; pourquoi nos fourchettes ont les dents vers la nappe alors que les leurs regardent le plafond ; pourquoi mes revenus et ma religion sont de mondomaineprivéalorsqu’ilsenfont presqueétatsurleurscartesdevisite, pourquoi les cotisations de mon club ne sont pas déductibles de mes impôts... Ils auraient aimé pénétrer l’âme de notre culture. (...)
Mes jeunes amis du pourtour méditerranéen sont maintenant au milieu de leur quarantaine. Que sont-ils devenus dans leurs pays torturés par toutes les démences des fanatiques et des redresseurs de torts. Que sont devenus les souvenirs de leur voyage en France ?
Aujourd’hui des Clubs 41 cherchent de nouvelles motivations, et s’ils ne sont peut-être pas encore la majorité de plus en plus ils tendent à le devenir. Quelques-uns pensent que l’amitié c’est bien mais ils en veulent plus ; d’autres regardent ailleurs et pensent que la notoriété est un bel ornement dont on ne peut se passer.
Notre fonds de commerce c’est l’amitié, rien que l’amitié mais toute l’amitié... c’est là notre défi. Alors pourquoi ne pas nous ouvrir à ces hommes des pays du bassin méditerranéen. C’est peut-être là, jusqu’aux rives du Bosphore, que nous trouverons le plus d’amis francophones qui, en plus, ont envie de nous rencontrer.
Ce défi est difficile, si nous échouons, personne n’en parlera mais si nous réussissons, quelle notoriété pour notre association et nous prouverons que l’amitié peut contribuer à la paix entre les hommes.
Pierre de Nussac.
Avril 2019 - N° 212 - Page 19







































































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