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À vol d’oiseau
Vite! Déjà 18h50! «Pourvu que j'arrive pas trop tard!» Maël sort du métro Jeanne d'Arc en gravissant les marches 4 par 4, il descend la rue Rémusat, et traverse la place du Capitole pour se rendre à sa librairie préférée. «Ouf! Je prends mon livre et je file.» Il attrape son roman sur le présentoir et s'approche de la caisse. Trois personnes attendent pour payer. Maël regarde la vendeuse qui emballe des mangas dans du papier cadeau. Elle est super rapide, et les paquets tout beaux, même pas froissés. Il prend son porte monnaie dans son sac, quelques pièces tombent par terre, et roulent dans l'escalier qui descend à la réserve. Arghhh! Maël met le livre dans son sac et ramasse les pièces au fil des marches. En bas de l'escalier, il trouve un paquet de bonbons. C'est sûrement celui de la vendeuse, elle a l'air gourmande! «Je vais en goûter un...» Maël prend un tout petit bonbon, il est délicieusement vert et a le goût de l'aventure, moelleux et pétillant. «Mmmh, mais je l'ai mangé trop vite, j'ai pas eu le temps d'en profiter!» Maël choisi un autre bonbon, rouge cette fois, il a le goût de l'interdit, acidulé et piquant. Il fond lentement dans la bouche. C'est tellement bon que Maël continue à manger tous les bonbons, jusqu'à ce que le paquet soit vide. Soudain la lumière s'éteint, et Maël réalise qu'il fait presque nuit «Mince! Je n'ai pas vu le temps passer!». Maël remonte l'escalier, mais trop tard, la boutique est fermée, le voilà coincé à l'intérieur. Il est maintenant très angoissé. «Comment je vais sortir? Et en plus j'ai mal au ventre!» Maël s'assoit sur un coussin, par terre, entre les rayonnages de livres, et met ses bras autour de ses genoux. Il ne sait pas quoi faire. S'il appelle ses parents, c'est sûr qu'ils vont le gronder. Ou pire, qu'ils vont prévenir la police!
Alors qu'il cherche une solution, il aperçoit quelqu'un qui monte les marches de l'escalier. Il n'a pas le temps de se cacher qu'elle est déjà là, avec de longs cheveux noirs, des yeux noisette, et des bracelets de coton aux poignets. Maël saute sur ses pieds. Elle a d'abord un sursaut de surprise, puis s'approche. Elle est un peu plus grande que lui. «Tu habites ici?» demande Maël. «Ah non! répond-elle en riant, je viens ici pour écouter des histoires». «Mais c'est fermé, il fait nuit!». «Je ne savais pas, il fait jour chez moi». Maël ouvre grand ses yeux et sa bouche avec un air bête. Puis il soupire «N'importe quoi!» et croise les bras. Elle lui lance comme un défi «Tu veux voir?», il acquiesce de la tête. Elle se dirige vers l'escalier et lui fait signe de la suivre. Il est un peu méfiant, mais la curiosité l'emporte. Au fond de la réserve, elle ouvre une porte, il fait encore plus sombre derrière. Elle lui prend la main et le guide à travers un couloir. L'air est chaud, une odeur d'herbe et de laine lui chatouille la narine. Ils arrivent dans une cuisine avec une immense table. Il s'arrête pour regarder les peaux d'agneau qui sont suspendues au plafond. Elle ouvre encore une porte et la lumière se fait beaucoup plus vive. «C'est vrai qu'il fait jour ici», songe Maël. En s'approchant du seuil, il réalise que ses gestes sont lents, alors que son cœur est impatient.
Le paysage est à couper le souffle. Ils sont en pleine montagne, le soleil fait scintiller les glaciers des plus hautes cimes à l'est, un oiseau immense tourne en cherchant une proie, et de la brume stagne en contrebas. Des moutons paissent près d'une grange sans prêter attention au chien qui court dans tous les sens. Des hommes et des femmes de tous âges sont assis en cercle. «On est où ici?» demande Maël. «En territoire Mapuche. Chez nous c'est le kimche qui raconte les histoires» répond-elle en désignant le groupe. La Patagonie, la Cordillère des Andes, à mille lieux de chez lui, c'est dingue! Ils vont s'assoir et Maël goûte le maté qu’on lui sert dans une calebasse. Cette boisson un peu amère et sucrée réchauffe son gosier. La plupart des gens sont habillés avec des tee-shirts, des pulls, des pantalons et des jupes pour les filles, mais le kimche porte un grand poncho de laine écrue et grise, et un ruban avec des formes géométriques enserre son front et ses cheveux argentés. Il raconte l’histoire des familles qui sont arrivées dans ces montagnes, et les anciens ajoutent parfois des témoignages venant de leurs aïeux. Ensuite, un autre homme conte l’histoire d’un renard et d’un serpent, dont le dénouement étrange et inquiétant laisse les enfants songeurs.
Après quelques minutes, les enfants se lèvent. «Viens, on va jouer au choiketun». Ils se déplacent un peu et forment un cercle autour d'un jeune adulte. Celui ci fait une sorte de danse et chante comme un oiseau. Les enfants lui courent après mais doivent s'arrêter à chaque cri, laissant à l'oiseau le temps de s'enfuir. Maël pose son sac et se met à courir lui aussi. C'est très drôle, cela ressemble un peu au jeu de chat, ça fait du bien de se défouler! Quand tout le monde est épuisé, les enfants se dispersent, et Maël remarque plusieurs maisons qui sont réparties autour. Lui aussi doit rentrer chez lui, ses parents doivent s'inquiéter. Elle a du deviner ses pensées car elle lui prend la main, ramasse son sac et l'entraîne dans la maison. Elle ouvre un tiroir et choisit un bracelet de sa confection, qu'elle attache au poignet gauche de Maël en disant «Je m'appelle Ana-Maria, j'espère qu'on se reverra». En réalisant qu'il ne lui avait pas demandé son prénom,


































































































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