Page 17 - E-Book L'Ouï-Lire
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grave danger face à tant d’intelligence officiellement attestée dans l’air ambiant... Moi aussi, je suis en train de faire acte de grand courage... se dit Thomas.
Il avisa alors une longue rangée de livres tout habillés d’un rose clair qui attira son regard. Il en prit un et franchit une nouvelle étape de bravoure : il l'ouvrit et commença à lire quelques lignes à l'intérieur, au hasard :
« Claude aidée de François construisit une cabane sur leur île. Mick venait les ravitailler de crêpes tous les après-midis, que Dagobert observait en salivant. »
- C’est exactement ce que nous avons fait hier après-midi avec les copains et copines du quartier Saint-Exupéry...
Thomas était lancé. Il retournait les ouvrages et commentait pour lui-même tantôt les résumés qui figuraient au dos :
« Fathia est malheureuse. À l’école, tout est compliqué pour elle. Elle ne supporte pas de rester assise toutes ces heures et ne comprend rien à ce que disent les professeurs. »
- C’est l’histoire de ma vie... Tantôt les premières phrases :
- Moi aussi je sais parler comme ça, il s'est pas foulé l'auteur pensa-t-il en déchiffrant cette première phrase : « Doukipudonktan ? »
- face à « Longtemps, je me suis couché de bonne heure », il se dit « mais moi, je me suis couché tard hier soir ».
Tantôt des passages au hasard à l'intérieur des livres, et à chaque fois, il était sans appel : qu'avaient ces livres de plus que ce qu'il pourrait apporter, lui ? Pourquoi Jeanne avait-elle besoin de se pencher au-dessus de ce papier, alors qu'il lui suffirait de passer du temps avec lui pour vivre réellement les aventures des personnages des romans (à son humble échelle, bien sûr, mais en se concentrant un peu on pouvait s'imaginer bien des choses, notamment voyager dans des univers différents), de l'écouter pour qu'il lui raconte des choses similaires, des histoires comme il en voyait et entendait plein. Lui aussi, il était capable de la faire rire, de lui donner des sueurs froides, de ménager un maximum de suspens, rien qu'avec la matière accumulée dans son cerveau durant ses 10 petites années de vie. Il se disait que ce qui était écrit dans ces objets feuillus dont l'humanité fait si grand cas n'est, somme toute, ni plus ni moins soit la réalité réelle qu’ils vivent eux, soit ce à quoi ils aspirent, ou qu'ils rêvent, ce qui leur fait peur, ce qui les fait rêver, leurs fantasmes fantastiques qui les font triper et flipper, eux les mômes. Bref, il était déçu, il se serait attendu à quelque chose d'autrement plus sophistiqué, intéressant, qui vaudrait vraiment le détour. Des livres ? Bof.
C'est là qu'une idée germa dans son esprit : il se dit que pour vraiment séduire Jeanne il allait lui écrire lui sa propre vision de la réalité réelle, le monde tel qu’il le fantasme lui, ce qu'il aime lui, ce qu'il sait qu'elle aime elle, ses propres rêves, les histoires de leurs propres