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4 ORAN
Mercredi 27 Mai 2020
Tortures
PRATIQUES BARBARES ET INHUMAINES
DE L’ARMÉE COLONIALE FRANÇAISE
Des Fidaïs d’Oran, anciens condamnés à mort ayant survécu l'époque coloniale française, témoignent des méthodes barbares pratiquées à
grande échelle dans le sous‐sol du sinistre "Châteauneuf" d’Oran, un commissariat de police qui servait de centre de tortures.
es inquiétudes ont comme les brûlures au chalu-
commencé avec l’ar- meau et qui ont résisté.
Mrestation de Moha- Et de poursuivre: "après une
med Baghdadi et de son dizaine de jours dans la cellule
adjoint Mohamed Moulay, mes 3 du sinistre Châteauneuf, j’ai
chefs hiérarchiques qui étaient été condamné à mort et trans-
responsables du réseau des Fi- féré à la prison d’Oran où j’ai
daïs d’Oran sous la coupe de purgé deux années".
Hadj Benalla, adjoint de Larbi Le reste de sa peine qu’il décrit
Ben M'hidi", raconte Abder- avec des mots difficiles, a été
rahmane Bentahar, un enfant effectuée à la prison d’El Har-
de haï Planteurs (Sidi El rach (2 ans) puis à Lambèze
Houari) dans un entretien à (Batna) où il est resté jusqu’à
l'APS. Originaire de Tlemcen, l’indépendance.
Baghdad Mohamed, 11 fois Les séquelles et les blessures
condamné à mort par le tribu- des moments difficiles vécus
nal militaire colonial d’Oran, dans les cellules des geôles et
fut exécuté le 1er juillet 1959, prisons de l'administration co-
de même que son adjoint loniale sont toujours dures à
Moulay Mohamed, le même ressentir et vivaces pour ce
jour au Champ de tir de Ca- vaillant moudjahid qui a pour-
nastel (Oran), de triste réputa- suivi après l'indépendance le
tion", se rappelle-t-il les larmes combat de l’édification du
aux yeux. Le réseau des Fidaïs pays dans les rangs de l’Armée
d’Oran, dont il était responsa- de libération nationale. "Notre
ble de la branche militaire, révolution est écrite de mains
était organisé, secret et bien de sang, de dévouement et de
structuré, se souvient Abder- sacrifices", lâche t-il.
rahmane Bentahar, qui dit Un autre témoignage poi-
constate, fait curieux, que je l'administration coloniale a disent-il, car il voulait amputer
avoir été recruté par Hadj Be- gnant de Kaddour Naïr, un
suis toujours en vie et a donné tenu un procès expéditif me ma jambe", a-t-il déclaré .
nalla parce qu'il savait à Fidaï d’El Hamri.
l’alerte. Après quoi, ils m’ont condamnant à mort et je fus Et de décrire la maltraitance
l'époque manier les armes Kaddour fut arrêté le 21 no-
conduit au Châteauneuf pour conduit à la prison civile qu’il a subie de jour comme de
pour avoir fait le service mili- vembre 1957 à Oran, armes à
me faire parler, et là j’ai vécu d’Oran où j'ai passé une nuit dans les centres de déten-
taire obligatoire. la main, après avoir accompli
l’horreur", a-t-il dit avec un année, avant de purger deux tions, n’était-ce le courage, la
"Je fus arrêté en fin janvier une mission sur ordre du Front
pincement au cœur. ans à la prison d’El Berroua- foi en Dieu qui lui a épargné
1957 dans un accrochage avec de libération nationale, celle
"Dès qu'on entre dans ce cen- ghia et deux autres années à la de perdre la raison et lui a per-
des soldats français au quar- de faire sauter le "Grigui", un
tre, on entend des hurlements prison d’El Harrach, jusqu’à mis de tenir pour se retrouver
tier de Tir au pistolet à Oran, bar situé à la rue d’Arzew (ac-
de détenus à longueur de l’indépendance", se souvient-il un jour en liberté.
avant d’être conduit au Châ- tuellement rue Larbi Ben
journée. Les caves du sous-sol encore avec amertume, sur- Les conditions d’incarcération
teauneuf, où j’ai subi les sé- M'hidi) au centre-ville d'Oran,
servaient de salle de tortures tout des premiers jours à la étaient aussi très pénibles.
vices de la gégène à un fréquenté par les policiers, les
digne des bagnes de Nouvelle prison d’Oran, encore conva- "Chaque nuit que Dieu fait, on
puissant voltage", se remé- gendarmes et les militaires de
Calédonie, où la barbarie avait lescent avec une jambe gan- nous annonçait qu’on allait
more-t-il vivement. l’armée coloniale française et
atteint le sommet, tant les pra- grenée Cette horreur résonne passer à la guillotine durant
"Dans les cellules du sous-sol, surtout des criminels de
tiques étaient inhumaines", se toujours dans ses oreilles, dit- les cinq années que j'ai pas-
les policiers et autres bour- guerre.
remémore-t-il. il "Il faut le laisser crever sans sées en prison", garde t-il en
reaux se relayaient pour me "C'étaient des buveurs de
"Comme l’arrachage des dents manger et sans médicament mémoire.
faire parler. L’interrogatoire au- sang, des violeurs de filles de-
ne suffisait pas, il y avait aussi
quel j’étais soumis, était vant leur parents, des pilleurs
les castrations. La machine cri-
atroce, un véritable supplice et des assassins qui fréquen-
minelle usait d’autres mé-
d’un autre âge. Tout nu, dans taient ce bar", évoque-t-il fiè-
thodes sophistiquées pour
une position tel un poulet au rement cette opération fidaïe.
faire parler les Algériens, dont
rôtissoire, poings et mains at- "Grièvement touché à la
les électrocutions avec de
tachées avec des cordes", ra- jambe, à la tête et à la poitrine,
puissants voltage", a-t-il dé-
conte-t-il la mort dans l'âme. les forces d’occupation m’ont
claré avec répit.
Malgré la gégène, ses bour- pris pour mort. Ils ne se sont
"Malgré l'état de santé grave
reaux n’ont rien pu soutirer de pas empêchées pour m’éva-
où je me trouvais, ces crimi-
lui, s'est-il enorgueilli, en évo- cuer au pavillon 14 de l’hôpital
nels n'avaient dans leur vaine
quant le cas de membres du d’Oran, dans un état coma-
que la tentative de me faire
réseau politique local arrêtés teux, puis à la morgue.
parler. Le 28 novembre 1957,
ayant subi d’autres sévices "Deux jours après, un agent
le tribunal d’Oran relevant de

