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Titre
Sous-titre - auteur (Vincent)
Il y a quelques années Clément avait l’habitude de pratiquer un jeu collectif consistant à placer un objet au milieu d’un groupe de participants, en vue de lui trouver un nouveau nom – ou un titre - qui fût accepté par le groupe, en suivant des principes d’associations libres.
À l’inverse, je me demande maintenant quel est l’objet, l’image, le lieu qui correspondrait pour moi le mieux à ce nom : « public in private ».
La première chose qui me vient à l’esprit, c’est le studio de Flutgraben. Il est de plus en plus rare, chez les fabricants de spectacle, qu’un travail s’identifie autant à son lieu de production, pièce après pièce. Le plasticien a un atelier, l’écrivain a un bureau ou un bar ou une bibliothèque, mais les chorégraphes et metteurs en scène sont souvent, par la force des choses, en résidence loin de chez eux et de leur quotidien. Le nomadisme a ses avantages, mais il rétrécit aussi la recherche à des périodes déterminées et à des contextes flottants. J’ai toujours admiré la dimension quotidienne, privée, et surtout choisie, du studio de Flutgraben.
Mais cela est trop évident pour incarner ce nom « public in private ».
Il faut entrer dans le studio.
Là se trouve les fantômes des anciennes pièces. Je veux dire ces objets et ces bouts d’objets remaniés qui ont toujours été les véritables héros des pièces où nous jouions. Leur forme, leurs attributs, leurs défauts ont déterminés les heures de répétition. Il y a là des tabourets, des bouteilles de champagnes vides, des sceaux, des verres, du sable, des balais, des craies, des sceaux sans fond, des anses sans sceau, des vis, des tamis, des tubes, des poutres, des plumes rouges, une visseuse, un chapeau, des tableaux, des voitures télécommandées, des fleurs en plastique, des aimants. Des objets qui vivent jour après jour dans le studio et que nous visitons.
Je cherche.
Un petit bout de bois entouré de scotch gris, qui se trouvait seul sur scène au début de Things that surrounds us et sur lequel nous placions la chaise rafistolée, sorte de béquille minimale à partir de laquelle tout l’univers d’objets se mettait en déséquilibre, je pense que ce petit bout de bois qui jouait le rôle de « rien » dans le spectacle, pourrait être mon « public in private », le petit bout de bois, tel qu’il m’est arrivé de le revoir plusieurs années plus tard, au cours d’une soirée publique, sous le nouveau gradin du studio. Comme si cet objet minimal, à la fois quelconque et plein d’artifices, soutenait toute la structure.
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Vincent Weber


































































































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