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K comme CARRIÈRE
Le pillage généralisé de la région commence dès 1946 lorsque les bâtiments du centre de Königsberg touchés par les destructions, sont démontés pour fournir en briques d’au- tres villes de l’URSS qui manquent alors de matériaux de construction. Aujourd’hui, dans la zone rurale les maisons continuent à disparaitre à vue d’œil, alors que les sites Internet abon- dent d’annonces de vente de briques et de tuiles allemandes de seconde main (cahier 3 | 10, 20-22). Lorsque les éléments fonctionnels et décoratifs les plus précieux sont prélevés, la maison est soigneusement démontée et redistribuée entre les palettes de transport spécifiques : brique, tuiles, poutres. En effet toute construction est a priori perçue comme une carrière de matériaux utiles. C’est le cas pour le bâti, mais aussi pour d’autres biens.
La tentative de créer une nouvelle identité pour la région dans les années Brejnev reflète bien ce rapport au territoire. On décide, comme s’il s’agissait d’un terrain vierge, de réduire sa spécificité à un produit de la nature présent en abondance sur les côtes de la Baltique : l’ambre. Afin de cultiver une nouvelle mythologie de la région, on lui donne le nom de « Contrée de l’ambre ». C’est sous cette appellation qu’elle figurera désormais dans les guides touristiques soviétiques. La Contrée de l’ambre n’a pas d’histoire, c’est un terrain riche en réserves naturelles, un Klondike à l’extrême Ouest de la Russie.
Aujourd’hui, à côté de la production officielle d’ambre, prospère le marché noir. Dans les zones riches de cette pierre semi-précieuse, sur la côte, la terre est parsemée de cratères profonds, creusés par les « pêcheurs d’ambre » : sur des kilomètres on observe un paysage lunaire (cahier 3 | 41, 42). Ce qu’on appelle « l’archéologie noire » est un autre phénomène très répandu. Les « creuseurs » équipés de pelles et de détecteurs de métaux sondent les champs et les forêts sur les sites de batailles militaires ou dans les anciens lotissements, en espérant y trouver des choses précieuses (cahier 3 | 27, 28, 33, 37). Lorsque la popu- lation allemande quittait la Prusse Orientale entre 1944 et 1945, les propriétaires enter- raient leurs biens dans l’espoir de revenir un jour et de les retrouver. Ces cachettes sont très recherchées par les « creuseurs ». Si cette activité est formellement illégale, comme le démontage sauvage des maisons abandonnées, en réalité la police ne fait rien pour empêcher ces pratiques. Les vidéos d’excavations à la sauvette circulent librement sur internet.
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