Page 41 - Demo livret 8
P. 41

K comme CHÂTEAU EN ESPAGNE
La vision du territoire dévasté est propice à l’émergence de projets extravagants, voire utopiques, de formes totales et instantanées de vie nouvelle. Le territoire est perçu comme un écran, une toile de projection pour des projets d’avenir, où le présent est une situation regrettable et transitoire qui n’est pas considérée. Néanmoins, presque tous ces projets ambitieux, même ceux qui sont directement initiés par les autorités locales, restent sur le papier.
Depuis les années 1950 ces projets ponctuent l’histoire de Kaliningrad. Le premier plan de reconstruction générale de la ville conçu par Dmitri Navalikhin, architecte principal de Kaliningrad à l’époque, projette à l’emplacement de Königsberg une ville soviétique grandiose. Désormais, le Kaliningrad de Navalikhin n’en garde rien, sauf la position géo- graphique du centre-ville, où le château de Königsberg est remplacé par le Palais des Soviets (cahier 5 | 11).
Aujourd’hui encore l’intrigue se joue sur la place Centrale, ancien Altstadt, entre le château de Königsberg, détruit en 1968 mais très présent dans l’imaginaire collectif, et la Maison des Soviets, construite mais aujourd’hui en état de friche.
L’idée de reconstruire Königsberg à l’identique hante certains architectes locaux. Le plus radical d’entre eux, Arthur Sarnitz, est connu pour ses films d’animation impressionnants qui entraînent le spectateur dans une balade virtuelle à travers les rues de Königsberg, dont chaque bâtiment est soigneusement redessiné en 3D (cahier 5 | 22-26, 29). Ce pro- jet est sans doute le plus spectaculaire, mais les propositions sont nombreuses. Les Kalin- ingradiens sont habitués aux votes et référendums pour le meilleur projet de reconstruc- tion du centre-ville, annoncés régulièrement. Le concours d’architecture Serdtse goroda (« cœur de la ville » ) lancé par un bureau de développement urbain et soutenu par les autorités locales a recueilli depuis sa création en 2013 des dizaines de projets. Après deux étapes de sélection et la réunion d’un jury international, le concours a été aboli en 2015 alors qu’un projet lauréat avait été sélectionné.
Le cinquième cahier, où est déployée une succession de variantes, s’achève avec les images d’échafaudages-camouflages. Dans la compétition entre des projets grandioses c’est le concept de « village Potemkine » qui l’emporte. Bâches imprimées et peinture des façades en couleur vive sont des cache-misères éprouvés,qui se multiplient en
41




























































































   39   40   41   42   43