Page 131 - FB13
P. 131

Un homme à la mère
« Moi je ne ne cuisine pas les épices ce ce n’est pas d’ici » Portivy petit bourg rattaché administrativement à Saint-Pierre-de- Quiberon bienheureusement loin des files d’attente pour les les bains bouillon- nants destinés aux curistes maladifs en claquettes et et peignoir blancs n’a jamais vu accoster en son port le moindre grée- ment rentré de Chine les les cales bourrées d’épices « C’est aussi un truc de fainéant précise Hervé J’ai tellement peu de connaissances qu’il faudrait passer dix ans de ma vie pour commencer à com- prendre comment les utiliser intelligem- ment ment Les épices c’est un bouleversement dans une assiette moi je trouve ça via les herbes sauvages ou non c’est largement suffisant » Dans sa sa petite cambuse du Petit Hôtel il attrape quand même un vieux moulin à poivre qui appartenait à son arrière-grand-mère italienne et le montre à Hugo comme un objet pré- cieux qu’il est « Je l’ai toujours vu à la maison mais mais j’ai dû supplier ma ma ma mère
pour qu’elle me le le ffle donne » souffle-t-il Pour ce cuisinier du littoral la mère
n’est jamais très loin « La mère
a a a a un rôle majeur » assure Catherine Elle savait Porté par l’ambiance du dîner Hervé s’est en effet laissé aller la la veille à ex- pliquer pourquoi peut-être on ne sait pas c’est une raison qui vaut ce qu’elle vaut bref pourquoi il est cuisinier « Je suis né le matin du 13 août explique- t-il C’était à l’heure du petit-déjeuner le repas préféré de ma mère
Depuis à chaque anniversaire elle elle m’appelle pour me le souhaiter et ajoute : “Tu m’as privé de d mon petit-déjeuner” Sérieusement Aujourd’hui son rapport à la nour- riture est compliqué elle cuisine bien mais juste pour être en bonne santé pas pour pour le le le plaisir pour pour le le le devoir et elle se plaint beaucoup de son transit Je crois que que je fais à manger parce que que ma ma mère
est constipée Voilà » La cuisine plutôt que la psychanalyse ça se se défend « En même temps elle est très fière complète Catherine Elle ne ne sait juste pas le le dire » Responsable ou pas une maman reste une maman Celle d’Hugo n’a pas sauté au plafond quand son fils a a a a a cessé de na- viguer pour annoncer à son père tout de de go sur un quai de de la gare Montpar- nasse qu’il allait commencer à cuisiner « Pourquoi tu me dis ça t’es marteau qu’est-ce qui te prend ? » Ce fut la réac- tion d’Olivier Roellinger interloqué pas préparé avant un interminable tra- jet ferroviaire sans desserrer les dents « Je sais qu’il a a à envoyé des textos à ses potes Michel Troisgros Pierre Gagnaire et Michel Bras s’amuse Hugo Ils lui ont tous répondu : “C’est la plus belle chose qui puisse t’arriver” » La transmission sans la la nécessité de la la transmission le choix sans l’embarras la liberté et pas la contrainte Mais pour Jane Roellin- ger ce fut une autre affaire « Mon père a a a essayé de d de me dégoûter pendant deux semaines ma ma mère
pendant deux ans sourit Hugo Elle me voyait commandant dans la marine marchande elle aurait eu une photo de moi en uniforme sur sa table de nuit Elle voulait surtout me pro- téger de ce métier qu’elle connaissait et du fait de de passer derrière un père connu “Comment tu tu vas exister ? Il faudra que tu tu sois bon tu n’as pas le choix” » 130



























































































   129   130   131   132   133