Page 3 - MOBILITES MAGAZINE N°15
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                 Editorial
Vers un compromis sur les rails ?
Pas facile de juger de la pertinence des différents aspects du Pacte ferroviaire adopté par l’Assemblée nationale le 17 avril dernier en première lecture, et rejeté avec vigueur par tout, ou partie, des syndicats. Au-delà des postures politiques et idéologiques, chacun peut faire un constat simple : la politique menée jusqu’alors par l’Etat « stratège » aboutit
aujourd’hui à une dette abyssale, une dégradation progressive du réseau et un mécontentement général, à défaut d’être toujours justifié. Bref, la SNCF, à la fois fleuron et fierté nationale, va mal. Pour autant, le problème est bien plus complexe qu’il n’y paraît à la seule vue des slogans qui fleurissent désormais sur les banderoles des manifestants, ou
dans la bouche des tenants de la doxa gouvernementale.
Au-delà de son seul statut d’entreprise, le réseau ferré français devrait avant tout être considéré comme un outil multifonctions au service de la collectivité. Aménagement et désenclavement des territoires, support de développement des bassins d’emplois, garant de la liberté de circulation des populations, etc., autant de missions qui échoient, en partie, à la SNCF, en fonction des stratégies développées - ou non - par l’Etat et les collectivités. Et c’est sans doute bien là que le bât a blessé jusqu’à maintenant.
Certes, le rail n’est ni l’Alpha, ni l’Omega, comme le démontre chaque jour l’attrait, par exemple, des modes alternatifs que sont les autocars (Macron ou pas) ou le covoiturage. Il n’est qu’un des éléments à la disposition des dirigeants de ce pays, qui ont le devoir régalien d’organiser harmonieusement la vie de la cité, pour répondre aux besoins spécifiques - présents et futurs - de la population.
Cette question est fondamentale, et elle explique certainement bien des crispations. Sans doute par défaut d’explications, bien peu nombreux sont les
électeurs à avoir saisi le modèle vers lequel mène cette réforme. Aucun des pays qui sont cités par les uns en exemple ne possède les caractéristiques, à la fois géographiques, culturelles et économiques, de la France. Et pourtant, chacun a bien compris que le statu quo n’était plus possible, car fondé sur un modèle aujourd’hui obsolète. C’est donc bien à l’Etat, toujours lui, de redevenir le stratège qu’il aurait dû être. Encore doit-il expliquer clairement, et faire partager à tous, son objectif ultime. Le « changement » n’est pas une fin en soi, l’adaptation à un monde économique différent encore moins. Le citoyen est tout à fait à même d’accepter un nouvel aiguillage, encore faut-il qu’il comprenne vers quel terminus on le mène...
PIERRE COSSARD / DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
   MOBILITÉSMAGAZINE15-MAI 2018-3
      























































































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