Page 19 - Drou'Art Asso
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Un panorama de New-York chez un concessionnaire, un super-héros dans une chambre d’enfant ou un lion dans une cage d’escalier : le graffeur Mathieu Dussaucy est un créateur d’univers.
Son lion effraie un enfant dès qu'il passe à côté. Le félin placardé dans un hall d'accueil d'un immeuble des Bâtes est l'une de ses dernières œuvres. Ce travail collégial mené cet été avec des jeunes du quartier, Mathieu Dussaucy en garde un souvenir tout particulier, lui le professionnel qui use de sa bombe à peinture aux quatre coins de France et des pays étrangers.
« On n'était pas
des anges »
Mais son "contrat drouais", chapeauté par l'office HLM avec le concours de Drou Art, a revêtu un aspect affectif pour celui qui est né aux Oriels, il y a juste 40 ans. « On disait les Chamards. On vivait dans un logement à la tour C17 ». Initier des jeunes des Bâtes à l'art de la bombe de peinture était un peu un « cas d'école », une sorte de retour aux sources, un délicieux voyage dans le temps. « À l'époque où j'avais une dizaine d'années. J'étais insouciant, comme les jeunes d'aujourd'hui. On n'était pas non plus des anges ».
Graffeur-décorateur, Mathieu Dussaucy a une petite entreprise qui ne connaît pas la crise. À sa manière, il a rendu très tendance (voire très bobo) un art un peu clandestin. Un art qui sent à la fois un peu la poudre et les effluves d'acétone et de xylène. Ces produits que dégage de son principal outil de travail. Mathieu Dussaucy jure de ne pas être un bad boy, « comme 95 % des graffeurs ». L'enfant des Oriels jure aussi de ne jamais avoir tagué le couloir de sa tour C17. « J'ai oublié d'y penser ».
« L'essentiel, une méthode de pensée »
L'artiste qui confie « être très bien payé » est presque gêné de dire qu'il vit à Paris. Belle réussite d'un gosse des Oriels qui a toujours aimé dessiner sans pour autant rêver de gloire. Il ne vivra sa première fois « avec une bombe », qu'en terminale, au lycée de San Francisco. « Je me suis limité à quelques coulures ». Le décorateur garde en mémoire le conseil d'avenir de ses parents, enseignants au collège drouais Louis-Armand : « Fais ce que tu veux mais essaye d'abord d'attraper le bac. Le plus important, c'est d'avoir une méthode de pensée ».
Entré en fac de physique, il s'engage dans une voie pour devenir professeur... mais préfère très vite prendre les voies de garages où sont stationnés des wagons. « Il m'est arrivé de faire des tags sur des trains en Ile-de-France... mais pas à Dreux ».
De l'ombre des hangars abandonnés et tagués, il est passé en pleine lumière en devenant un graffeur décorateur demandé par les particuliers comme les entreprises de toutes tailles et de toutes spécialités. D'Air France à Auchan, de la mairie de Nanterre aux émissions de télé (Tous ensemble, M6 déco, etc.), le Drouais jongle avec les couleurs, les styles et les univers. De sa mémoire pleine de couches de peinture, il cite cette œuvre évolutive placardée sur un vaste mur à Nanterre. « J'ai mis un an pour la faire. J'ai mis 50 couches de peinture. Je voulais dénoncer le côté éphémère du street-art ». Mais l'artiste se reprend et reconnaît être contradictoire, espérant que certaines de ses fresques durent plus d'un été. Il pense peut-être à celle qui habille l'orgue de l'église de Nice (« Ce sont des flammes du Saint-Esprit ») ou aux prochains travaux.
« J'aimerais peindre une
tour entière
des Oriels »
Dans son carnet de commandes bien rempli, il y a notamment les halls de quelques tours aux Oriels, cet automne. Le graffeur voit déjà plus loin et plus haut : « J'aimerais décorer une façade entière d'une tour. Le style pourrait être abstrait ou tourner autour de l'enfance. C'est là où tout se joue ». L'enfant des Oriels joue toujours avec sa bombe, « non pas pour cacher la misère mais pour donner des couleurs à la vie. Je ne suis pas pour autant un magicien ».
Olivier Bohin
DREUX LOISIRS