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1. Première embarcation de sauvetage de Portsall, le canot porte le nom de Saint-Ernest et Sainte-Suzanne de Saint-Faron. Construit en 1867 par les chantiers Normand au Havre, c’est un canot en bois de 9,78 m à redressement et à dix avirons. Affecté à la station lors de sa création, il sera transféré à Agde en 1897 et y servira jusqu’en 1905. Portsall dispose aujourd’hui d’un canot tous temps de 15,50 m, le SNS 093 La Portsallaise, construit en 1998 par le chantier Sibiril à Carantec. Il est équipé de deux moteurs Iveco de 400 chevaux chacun.
2. Créée en 1968 par la Société centrale de sauvetage des naufragés, ancêtre de la SNSM, la station de Portsall est fermée en 1896, car son emplacement est jugé médiocre. Elle est cependant rouverte en
1902 par la Société des hospitaliers sauveteurs bretons, puis entre en 1967 dans le giron de la SNSM. Sept canots se succèdent à Portsall, dont le Yvon Salaün, en service entre 1955 et 1998, maintenu en état par une association et labellisé en 2007 « bateau d’intérêt patrimonial ».
3. Les canotiers engagés sur l’embarcation de sauvetage : Jean- Marie Salou, patron ; Goulven Salou, sous-patron ; Joseph Kerné, François Salou, brigadiers ; Jean-François Arzel, François Arzel, François Kerné, Yves Kerné, René Le Borgne, Yves Le Borgne, Prigent, canotiers ; Tréhoret, volontaire.
PORTSALL 1869
Sauvés du piège des Renards
En pleine tempête, après une «course-poursuite» entre le canot de sauvetage(1) de la station
de Portsall (2) et le trois-mâts norvégien Silesia, qui s’approche dangereusement des rochers
de la pointe des Renards au Conquet, les sauveteurs parviennent à sauver les dix-huit membres d’équipage.
S
qui semble désemparé et en fuite sous la violence du vent. Une tempête fait rage depuis plusieurs heures. La mer est affreuse et rarement vue aussi mauvaise. Le canot de Portsall, aux ordres du patron Jean-Marie Salou, est lancé à 7 h 30 après avoir embarqué douze hommes d’équipage(3).
À la rame, le canot atteint rapidement la sortie du port, mais doit mâter et mettre à la voile pour franchir la passe vent debout. En rade, il se remplit d’eau, mais celle-ci s’évacue grâce aux soupapes des fonds. Au prix d’efforts inouïs, le canot se trouve au vent et laisse courir dans la direction du navire en détresse. Lorsqu’il arrive à la hauteur de l’Aber-Ildut, soit à 10 milles au moins de Portsall, les sauveteurs reconnaissent le trois-mâts fuyant devant eux et faisant route pour passer au large d’Ouessant.
Cependant, en raison d’un gros grain, les sauveteurs décident d’un commun accord de relâcher à l’Aber-Ildut qu’ils atteignent transis et épuisés à 10 h 30. Cependant, quinze minutes se sont à peine écoulées que la vigie signale le navire en détresse changeant de route et se dirigeant vers le chenal du Four. Immédiatement, le canot reprend la mer, progresse dans le chenal dans les éléments déchaînés et arrive à la hauteur du Conquet (18 milles de Portsall), à quelques encablures des naufragés. Par signaux, le patron Salou presse le Silesia de s’éloigner de terre, mais en vain. Quelques instants plus tard, le trois-mâts donne sur les roches de la pointe des Renards.
Aussitôt le canot l’accoste. Son commandant demande à être conduit à terre pour chercher du secours et faire relever ou remorquer son navire. Salou le prend à son bord et le débarque au Conquet. Cependant, le commandant refuse de retourner à son bord, comme il a refusé le débarquement de son équipage. Or celui-ci court un danger certain. Aussi, les sauveteurs remontent dans leur canot et luttent vigoureusement
pour rejoindre le Silesia. Ils embarquent les dix-sept hommes restés à bord, qu’ils débarquent dans la baie sablonneuse de Pors-Liogant, où les habitants les prennent en charge.
Mission accomplie, le canot regagne le Conquet, lorsque l’administrateur de la marine l’enjoint de retourner à bord pour mouiller le trois-mâts qui s’est arraché des roches et a repris sa dérive. Le canot reprend la mer pour la troisième fois. Sept hommes montent à bord du Silesia pour assurer son mouillage, puis le canot regagne Le Conquet vers 18 heures. Dix heures se sont écoulées depuis le début de la mission. Il n’est pas raisonnable de quitter le Conquet le dimanche 21, car le vent de nord-nord-ouest conti- nue de régner avec force. Le canot ne retrouvera sa maison-abri de Portsall que le mardi 23 mars, après quatre jours d’absence. Et le secrétaire du comité de sauvetage d’écrire : « Au dire des marins les plus experts de nos côtes qui ont suivi toutes les manœuvres du canot pendant la journée du 20, ces hommes ont montré une bravoure, un courage qu’aucune expression ne saurait rendre. »
PATRICE BRAULT
À l’occasion du sauvetage des hommes du Silesia, le patron Salou a reçu une médaille.
amedi 20 mars 1869. Au lever du jour, on signale
au large des roches de Portsall un trois-mâts
Le canot s’efforce de rattraper le Silesia qui fuit dans la tempête.
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SAUVETAGE #150
©D.R.
©Némo
SAUVETAGE HISTORIQUE