Page 7 - NO WORSE report 4

CONFINE-MOI PAS PIRE
Non, je veux pas aller manger les pissenlits par la racine avant d’avoir compris pourquoi la première réaction de mon ventre face au monde a éte de dire NON.
Pourquoi j’ai du mal à terminer mes phrases pensant que l’autre comprend les images qui s’évaporent de mes yeux.
Pourquoi certaines musiques, certains livres ou films rassurent le sens de ma comédie personnelle.
Pourquoi mes goûts, mes préférences, mes phantasmes et mes nausées sont encrées dans mon sang comme des virus increvables. Pourquoi le syndrome de l’imposteur et celui de Peter Pan me collent à la peau comme des tatouages que l’on ne peut cacher ni effacer.
Pourquoi, pourquoi non.
Non, je veux pas voir l’envers du goudron avant d’avoir flirté avec ses traces peintes jusqu’au bout de la route.
Je veux pas rouler dans le vrai noir avant d’avoir croqué ce qui manque au cirque de ma vie, puis laisser les yeux et l’âme des autres se débrouiller avec tout ça.
Je veux pas arrêter de fumer les doutes avant d’avoir décalqué le maximum de ce que j’ai pu rêver, de tout ce qui m’a imprimé le cerveau et continuer à dévorer autant que possible tout ce qui me paraissait impossible.
Dessiner, photographier toute cette grosse farce, en faire des journaux et des livres comme j’aurais aimé les voir gamin. Rester un observateur pas pire, avec un trop plein d’images dans le ré- servoir, leur légende et leur gros titre qui en montrent l’essence.
Non, je veux pas partir me planquer on ne sait où sans avoir pu dire OUI, même si c’est comme un fou.
ALAIN FRÉTET