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                                La Tribune des travailleurs - No263 - Mercredi 4 novembre 2020
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  INTERNATIONAL
Manifestation pour « Justice pour George Floyd »
à Hoboken, New Jersey, le 5 juin ©CC BY-SA 4.0 Featous
Algérie
    États-Unis Les enjeux de l’élection présidentielle du 3 novembre
électorale à grande échelle. L’Autorité nationale « indépendante » des élec- tions a reconnu que moins d’un élec- teur sur quatre (23,7 %) a participé au référendum du 1er novembre sur la « réforme constitutionnelle ». Avec un tel taux de participation (1), la nou- velle Constitution est rejetée par 85 % des électeurs inscrits (les chiffres réels avoisineraient les 94 % d’inscrits n’ayant pas voté ou ayant voté non).
Le régime voulait faire du vote du 1er novembre une manifestation de sa prétendue légitimité, c’est l’inverse qui se produit, exposant au grand jour la crise profonde du régime, alors que le président Tebboune a quitté le pays « pour raisons de santé ».
Le rejet du 1er novembre est une condamnation nette de la politique du régime de bradage des richesses nationales et de sa « réforme consti- tutionnelle » qui ouvre la voie à l’engagement de l’Armée nationale populaire (ANP) dans des conflits extérieurs et à l’installation de bases de l’Africom (état-major américain en Afrique).
Ce rejet massif, que le régime n’a pas pu camoufler, indique que le peuple algérien, fidèle à la révolu- tion du 1er novembre 1954, réitère ses revendications exprimées dans la rue depuis février 2019.
Toutes les revendications de ce soulèvement populaire parti d’en bas le 22 février 2019, parmi les couches les plus défavorisées, restent d’ac- tualité : « État civil et pas militaire », « libération de tous les détenus poli- tiques » (2), droit au travail, au loge- ment, à une justice libre et indépen- dante, défense de l’école publique, bref, en finir avec la hogra (mépris).
Ces dernières semaines, c’est sur le terrain de la lutte de classe que la protestation s’est portée. La crise sanitaire, outre son coût en vies humaines, a ruiné des familles entières, les privant de travail et de revenus. Alors, on a vu se multiplier les grèves et mobilisations ouvrières, comme celle de Numilog (Béjaïa) contre l’oligarque Rebrab qui, au mépris des décisions de justice, refuse la réintégration des salariés licenciés pour avoir constitué un syn- dicat.
Une Assemblée constituante souveraine est plus que jamais une urgence pour éviter à la nation algé- rienne une crise aux conséquences désastreuses. Elle seule permettra au peuple d’écrire lui-même sa propre Constitution, et d’être maître de son destin hors de toute injonction étran- gère. Seule l’irruption consciente de la classe ouvrière sur le plan politique pourra ouvrir à la nation la voie de ce
Rejet de la « réforme constitutionnelle »
C’et du régime
est sans précédent dans l’histoire de ce régime, connu depuis des décen- nies pour pratiquer la fraude
 À l’heure où ce numéro de La Tribune des travailleurs est envoyé à l’imprimerie, le 3 novembre, l’élection présidentielle a lieu. Son résultat sera-t-il proclamé quand nos lecteurs liront ces lignes ? Peut-être... ou peut-être pas. Trump menace en effet de ne pas le reconnaître, s’il n’est pas proclamé vainqueur. Nos corres- pondants aux États-Unis, militants de Socialist Organizer, nous transmettent ces informations pour éclairer nos lecteurs.
L1- Quel est le bilan
e milliardaire Trump, élu en 2016 sur le slogan « America First ! » (« l’Amérique d’abord »), a servi pen- dant quatre ans les intérêts capita- listes. En mars 2020, au nom de la « lutte contre la crise », il a fait voter par les élus républicains comme démocrates au Parlement un plan
de 1 200 milliards de dollars pour les patrons et les banquiers. Dans le même temps, les États-Unis sont l’un des pays les plus frap- pés par le Covid-19 avec 10 millions de cas et 230 000 décès, en particulier des travail- leurs et des pauvres, notamment des Noirs, dans un pays où 27 millions de travailleurs n’ont aucune couverture santé. Voilà le bilan de Trump, auquel il faut ajouter son soutien à l’extrême droite raciste, la construction du « mur de la honte » à la frontière mexicaine, le nouveau traité de libre-échange Mexique- Canada en faveur des multinationales nord- américaines, les menaces contre la Chine et l’appui inconditionnel à l’État d’Israël.
2 - Biden, candidat démocrate, a-t-il un programme différent ?
Joe Biden a été vice-président d’Obama de 2009 à 2017. Il a été investi par le Parti démo- crate (avec le soutien de sa « gauche » et Bernie Sanders). Il y a bien entendu des différences de personnalités, de style, avec Trump. Un chiffre résume qui est Biden : 74 millions de dollars, c’est la somme collectée parmi les financiers de Wall Street pour la campagne de Biden (Center for Responsive Politics), quatre fois plus que ce que Wall Street a versé pour Trump. Cela résume le programme de Biden et du Parti démocrate : un programme capitaliste, comme celui de Trump et des républicains.
3 - L’exigence « Black lives matter »* a marqué cette campagne...
De l’assassinat par la police de George Floyd, en mai 2020 à Minneapolis, à celui de Walter Wallace Junior, le 26 octobre à Philadelphie, a surgi un mouvement inédit de millions de jeunes, Noirs comme Blancs,
* Les vies noires comptent
syndicalistes, etc., contre le racisme institu- tionnel. Ce mouvement se heurte tant aux républicains qu’aux démocrates, comme le rap- pelait Alan Benjamin (responsable de Socialist Organizer) : « On n’extirpera pas le racisme de la police tant que les institutions capitalistes, fon- dées sur le racisme institutionnel, seront en place. Ce qui pose la question de la nécessaire alliance entre la population noire opprimée et la classe ouvrière américaine. Le racisme n’est finale- ment que l’enveloppe idéologique qui a permis, pendant deux cent cinquante ans, de justifier l’esclavage, puis, pendant les cent années qui ont suivi son abolition, les lois de ségrégation. C’est encore le racisme qui justifie aujourd’hui ce que l’on appelle le complexe carcéro- industriel, où des détenus, en majorité des Noirs et des Latinos, sont contraints de travail- ler pour un salaire de 15 centimes de l’heure au profit de grandes entreprises qui font appel à la main-d’œuvre carcérale. Des pans entiers de l’industrie dépendent de cette forme moderne d’esclavage. »
4 - Où est la classe ouvrière américaine dans cette élection ?
C’est le paradoxe. Ces derniers mois ont été marqués par une intense lutte des classes : grèves d’enseignants dans de nombreux États, grève massive à General Motors et, en mars- avril, vague de wildcat strikes (grèves sauvages) dans les usines, les abattoirs ou les entrepôts d’Amazon pour la protection des salariés contre le virus. Face à cette classe ouvrière qui cherche à se battre, Trump n’a d’ailleurs pas économisé ses forces pour tenter d’affaiblir les organisations syndicales.
Mais sur le plan politique (et électoral), la classe ouvrière – comme classe consciente de ses intérêts et organisée pour cela – est absente depuis des décennies, car la plupart des diri- geants des syndicats appellent à voter pour le Parti démocrate et utilisent des millions de dollars des cotisations des syndiqués pour financer ses campagnes. Cette politique de soutien au Parti démocrate, qui est notamment celle de la direction de la centrale syndicale AFL-CIO, mais aussi de personnalités comme Angela Davis, ils la justifient par le fait que les démocrates seraient un « moindre mal ». Et au nom de ce « moindre mal », ils soutiennent... le candidat préféré de Wall Street !
5 - La politique du « moindre mal » fait-elle l’unanimité ?
Non, nombreux sont les militants des syn- dicats, mais aussi du mouvement noir, qui considèrent que « les patrons ont deux partis, il est grand temps que nous en ayons au moins un à nous ». Les 19 et 20 septembre dernier, 198 militants ouvriers et des organisations noires se sont rassemblés, « pour briser l’étau du système des deux partis ». Beaucoup (dont les militants de Socialist Organizer) se récla-
maient de la vieille perspective de constituer un Labor Party, c’est-à-dire un parti ouvrier fondé sur les syndicats, supposant que ces derniers rompent avec les démocrates. De nombreux participants liaient cette perspec- tive du Labor Party à celle du droit à l’auto- détermination et à l’auto-organisation des Noirs aux États-Unis, comme la condition leur permettant de prendre place, à égalité, dans la construction d’un parti de la classe ouvrière. Ces militants ont décidé de s’engager dans la présentation de candidatures ouvrières et noires indépendantes aux élections locales, et aussi d’ouvrir la discussion dans les organisa- tions syndicales sur la perspective d’un Labor Party.
6 - La campagne a été extrêmement violente, pourquoi ?
Parce que la bourgeoisie américaine – la plus puissante du monde – est en crise, expri- mant l’impasse de tout le système capitaliste. Ces derniers mois, Trump a menacé de ne pas reconnaître le résultat de l’élection s’il n’est pas proclamé vainqueur. Il accuse le vote par cor- respondance (auquel de nombreux électeurs ont recours par peur du Covid) d’être « frau- duleux ». De son côté, Biden a menacé d’en appeler à l’armée pour « sortir Trump de la Maison-Blanche ». Sur le « terrain », les incidents se multiplient : la police a brutalement réprimé une marche organisée par une église noire en Caroline du Nord samedi 31 octobre, tandis que la veille, un bus de campagne de Biden était attaqué au Texas par des partisans de Trump, certains portant des armes. D’ailleurs, Trump ne cesse de faire appel à ces milices blanches d’extrême droite.
7 - Que devraient faire les travailleurs en cas de « coup » de Trump ?
Une intense discussion a eu lieu à ce sujet dans le mouvement syndical. Les unes après les autres, d’importantes instances syndicales ont été amenées à prendre position pour affir- mer que si Trump osait tenter un coup d’État, il serait de la responsabilité du mouvement ouvrier de défendre les libertés démocratiques en appelant à la grève, et même à la grève géné- rale, et à manifester. Des résolutions allant dans ce sens ont été adoptées par les Conseils des syndicats de Rochester et de Troy (État de New York), Seattle (État de Washington), Madison ( Wisconsin), ou du Western Massachusetts. Le syndicat des enseignants United Teachers of Los Angeles, par exemple, appelle d’ores et déjà à manifester les 4 et 7 novembre en cas de tentative de Trump de « voler l’élection ». Il est fort possible qu’une nouvelle étape de la crise de la bourgeoisie américaine s’ouvre avec cette élection. Elle mettra d’autant plus à l’ordre du jour la nécessité d’une politique ouvrière et noire indépendante. n
    de Trump ?
      changement radical.
n
Saïd Ourabah
    (1) Avec officiellement 66,8 % de oui et 33,2 % de non. Manifestations et boycott actif ont été observés dans de nombreux bureaux de vote, notamment en Kabylie. (2) En particulier ces derniers temps, des journalistes ont été jetés en prison par dizaines, à l’instar de Zoheir Aberkane, arrêté le jour du vote place Audin, à Alger.
 
























































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