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La Tribune des travailleurs - No263 - Mercredi 4 novembre 2020
CHRONIQUE DE L’AFRIQUE DE L’OUEST
À l’approche de plusieurs Célections présidentielles...
ette fin d’année 2020 est particuliè- rement riche en activité politique, et nous pouvons parier sans grand risque de nous tromper que la situation dans
la sous-région nous promet des lende- mains qui déchantent, avec des présidents- candidats qui briguent un troisième mandat après « tripatouillage » de la Loi fondamen- tale (= la Constitution - ndlr).
Les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets : attendons-nous à des vio- lences post-électorales dans les trois pays francophones de l’Ouest africain où sont prévues des élections présidentielles (Gui- née, Côte d’Ivoire et Burkina Faso).
Après la chute du mur de Berlin, le dis- cours de La Baule et les conférences natio- nales*, le vent de la « démocratisation » a soufflé sur l’Afrique et ébranlé les régimes dictatoriaux de la sous-région, régimes qui se maintenaient au pouvoir par la force et le bourrage des urnes, grâce à une armée cla- nique spécialement structurée à cette fin.
Aujourd’hui, la stratégie des dictatures s’est adaptée. Désormais, on procède à la modification de la Loi fondamentale pour se refaire une « virginité » qui remet le comp- teur à zéro et permet ainsi de briguer un troi- sième mandat et ainsi de suite, afin de rester au pouvoir à vie. Et si toutefois, un autre chef s’imposait par les urnes, ne nous étonnons pas de revoir surgir les coups d’États mili- taires qu’on croyait d’une autre époque.
En Afrique, rares sont les gouvernements qui perdent les élections qu’ils organisent : avec une commission électorale « indépen- dante » et une Cour constitutionnelle aux ordres, les autocrates africains ont de beaux jours devant eux. Car nul ne peut com- prendre que la grande majorité des popu- lations, qui vivent dans le dénuement total, puissent continuer à voter et à maintenir au pouvoir des dirigeants incompétents, bras armés des institutions internationales et responsables de crimes économiques majeurs.
La Guinée vient d’ouvrir le bal et le scé- nario est toujours le même : des fraudes dénoncées, des résultats contestés, sans aucune possibilité réelle de recours pour les partis adverses, et tout cela dans un climat chaotique parsemé de morts.
Viendra ensuite le tour de la Côte d’Ivoire : poids lourd économique dans la sous-région, son basculement, le 31 octobre prochain, pourra entraîner des effets colla- téraux graves dans bon nombre de pays voi- sins.
Le Burkina Faso entrera dans la danse le 22 novembre, avec tous les problèmes sécu- ritaires que nous connaissons déjà : popu- lations déplacées, écoles fermées par les djihadistes.
Puis ce sera le tour du voisin anglo- phone, le Ghana, où les règles semblent mieux respectées, d’élire son chef d’État le 7 décembre.
Enfin, le 27 décembre, les Nigériens seront invités dans les isoloirs pour une pré- sidentielle où le sortant n’est pas candidat, chose assez rare pour être soulignée.
Ce sont la vie, la sécurité et la santé de dizaines de millions de travailleurs et de tra- vailleuses déjà précaires qui seront mises à mal dans les semaines et les mois à venir. Face à l’incapacité et à l’échec des différents régimes à remplir leur fonction, la solution ne viendra pas du capital. Seule la reprise en main de son destin par le peuple lui-même lui redonnera le pouvoir, par l’application du principe démocratique : « Un homme, une voix », dans l’élection d’une Assemblée constituante souveraine à la proportion- nelle intégrale. n
Gérard Kabako
* Au lendemain de la chute du mur de Berlin (novembre 1989), des soulèvements populaires éclatent dans de nombreux pays africains pour re- mettre en cause les régimes de parti unique, mais aussi la dette externe qui étrangle les peuples. En juin 1990, au sommet des chefs d’État africains de La Baule, le président « socialiste » français, François Mitterrand, axe son discours sur le thème de la « démocratisation ». Dans les pays concer- nés, des « conférences nationales » réunissant pouvoir et opposition organisent la « transition démocratique ».
INTERNATIONAL
Hong Kong Cathay Pacific supprime
un quart de ses effectifs
Cathay Pacific, la compagnie aérienne de Hong Kong, a annoncé le 21 octobre un plan de restructuration qui prévoit la suppres- sion de 8 500 emplois, soit 25 % des effec- tifs, avec 5 900 licenciements secs ! Sa filiale
SCathay Dragon, dédiée aux courts et moyens courriers en Asie, est également liquidée.
upprimer 25 % des postes, c’est condamner à la misère des mil- liers de familles !
Pourtant, en juin, Cathay a tou- ché 4,4 milliards d’euros du gouvernement de Hong Kong. Qui sont ceux qui ont reçu cette manne d’argent public ? Qui sont
ceux qui, pendant les années de vaches grasses, ont empoché de plantureux béné- fices ? Les actionnaires de la compagnie Cathay sont pour moitié des fonds d’inves- tissement américains et britanniques, et pour un quart la compagnie d’État chinoise Air China. Le principal fonds d’investisse- ment, Swire, est à Hong Kong un géant de l’immobilier, de l’hôtellerie, qui y détient le monopole de la distribution de Coca Cola.
Le gouvernement de Hong Kong accorde donc des milliards à des fonds spéculatifs. Mais pour les salariés et les licenciés de demain : rien ! Hong Kong, région adminis- trative spéciale de la République populaire de Chine, s’est, en effet, toujours refusé à mettre en place un système d’indemnisa- tion des chômeurs. Quant aux salariés qui resteront en poste, Cathay leur a annoncé une révision à la baisse de leur contrat de travail !
Voilà qui définit bien « un pays, deux systèmes » : si Hong Kong est bien une région qui fait partie de la Chine continen- tale, où domine la propriété d’État (toutes les grandes compagnies d’aviation sont publiques), cette région a un statut particu- lier. Le régime chinois s’est en effet engagé à respecter les droits des capitalistes au moment où cette ancienne colonie britan- nique a réintégré la Chine.
Rassemblement du syndicat indépendant de Cathay Pacific dans l’aéroport de Hong Kong, en mai 2019
Hong Kong est la troisième place finan- cière de la planète, abrite les rois de la finance, de l’immobilier, de la spéculation et de tous les trafics, protégés par le gou- vernement de Pékin. 60 % des exportations chinoises passent par Hong Kong, en même temps que les milliards de la corruption des cadres du Parti communiste chinois.
Un an de manifestations populaires a rendu la situation instable. La vague de répression a frappé massivement : plus de 10 000 citoyens ont été arrêtés (ce qui équi- vaudrait, en France, à 100 000 arrestations). Dans le même temps, une centaine de syn- dicats, indépendants du pouvoir, se sont constitués dans le cours même des manifes- tations qui ont duré plus d’un an à compter de juin 2019.
C’est d’ailleurs le syndicat indépendant des pilotes et des hôtesses de Cathay qui avait été visé, dès août 2019, lorsque la secrétaire du syndicat (affilié à la HKCTU, la confédération syndicale indépendante de Hong Kong) et des pilotes avaient été licenciés pour avoir mani- festé leur soutien aux revendications des mani- festations et rejoint la grève du 5 août 2019. L’aéroport fut même occupé et partiellement bloqué pendant quelques jours par des milliers de travailleurs.
La situation ne peut que s’aggraver, le P-DG avait, en août dernier, insisté sur « le contexte de la menace de récession mondiale et de l’intensi- fication des tensions géopolitiques » en raison de la pression de Washington contre la Chine. n
Alain Denizo
Belgique Grève à AB Inbev-Jupille pour imposer les mesures de protection
En septembre, le piquet de grève des travailleurs de la brasserie AB Inbev-Jupille avec leurs syndicats
L
tique de prendre des mesures équilibrées. »
Autrement dit, les besoins de l’économie capitaliste priment avant toute autre consi- dération.
Les soignants expliquent : « En cas de satu- ration, des médecins se retrouveront face à la décision terrible de choisir qui soigner. » Nous sommes près de la saturation, et que répond le gouvernement ? « Pas question de changer sans cesse de stratégie ! » Mais au nom de quels intérêts particuliers agit ce gouvernement pour mépriser autant la santé de la popula- tion ?
Et ce ne sont pas les mesures prises par les différents niveaux de pouvoir, dans la plus grande cacophonie, qui vont dédouaner le gouvernement fédéral de ses responsabilités.
Le mouvement ouvrier s’est construit sur le principe suivant : les richesses doivent être la propriété de la collectivité et le moteur de
es personnels des hôpitaux dénoncent l’effondrement du système des soins de santé. Que leur répond le gouvernement
De Croo ? « C’est notre responsabilité poli-
l’économie ne doit plus être le profit des pos- sédants mais l’utilité sociale, c’est-à-dire la satisfaction des besoins sociaux. Ce principe vaut plus que jamais en situation de crise.
Comment agirait un gouvernement qui mettrait en application une politique tendant vers le socialisme ? En premier lieu, il faut remarquer que pendant la période de confine- ment de très nombreux capitalistes ont conti- nué à s’enrichir. Ensuite, il faut observer que la politique des gouvernements et de l’Union européenne a été de chercher à garantir les taux de profit en déversant des milliards d’eu- ros aux banques et aux grandes entreprises. Un gouvernement ouvrier réquisitionnerait et mobiliserait ces milliards d’euros destinés à la Bourse pour renforcer le système hospi- talier, en annulant dans un premier temps toutes les mesures d’économies prises depuis des décennies, en rouvrant les lits fermés au nom de la réduction de la dette publique. (...)
En Belgique, la grève à AB Inbev-Jupille a encore démontré la contradiction entre la logique patronale et la logique ouvrière. Ces
derniers jours, les travailleurs des grands magasins font valoir leurs exigences pour se protéger. Dans l’enseignement, des premiers arrêts de travail sont organisés tant la situa- tion est chaotique.
Toutes ces mobilisations posent la ques- tion : qui doit diriger ce pays ? Dans quel but ? (...)
La contradiction est là entre un régime économique qui entend profiter de la situa- tion pour créer un chômage de masse (cette menace était déjà présente avant la crise sani- taire) et l’exigence des travailleurs et de leurs familles de maintenir leurs conditions de vie. Cette contradiction doit être surmontée par l’interdiction des licenciements que les tra- vailleurs doivent imposer. Seule leur mobi- lisation unie et celle de leurs organisations peuvent forcer les capitalistes à reculer. n
Communiqué du Comité unité- Eenheidscomité, qui combat pour l’unité de la classe ouvrière belge avec toutes ses composantes linguistiques