Page 3 - Demo 263-2
P. 3

                                La Tribune des travailleurs - No263 - Mercredi 4 novembre 2020
3
  ACTUALITÉ
Basculement des cours en distanciel dans les universités
« C’est une génération sacrifiée »
  Comment qualifier une telle société ?
Comment qualifier une société dans laquelle un ministre, en l’occurrence celui de l’Éducation natio- nale, prétend imposer aux enseignants la mise en œuvre d’un protocole sanitaire... qui ne garan-
tit aucunement la sécurité des élèves et des enseignants ? Une société dans laquelle les enseignants seraient invi- tés à organiser le dédoublement des cours sans moyens supplémentaires ? Une société dans laquelle des élèves, déjà « victimes » du premier confine- ment, devraient se contenter d’avoir la moitié des enseignements aux- quels ils ont droit ? Une société dans laquelle on demande aux agents d’en- tretien, dans les collèges et les lycées, de nettoyer et désinfecter les locaux et les équipements sans moyens supplé- mentaires et alors que déjà des postes ne sont pas pourvus ? Une société dans laquelle les étudiants sont contraints de suivre les cours en distanciel ?
Comment qualifier une société dans laquelle un ministre, en l’occur- rence celui de la Santé, demande aux médecins hospitaliers de déprogram- mer des activités médicales « afin de libérer de la disponibilité en lits » ? Une société dans laquelle on nous annonce une surmortalité par cancer de 2,5 %, soit environ entre 3 500 et 4 000 décès en plus des 160 000 enregistrés chaque année en France, conséquence colla- térale de l’étranglement financier des hôpitaux ? Une société dans laquelle les transplantations rénales, qui per- mettent de sauver des vies, sont à nouveau retardées ? Une société dans laquelle on oblige les patients qui souffrent d’une insuffisance rénale à se faire dialyser plusieurs fois par semaine alors qu’on sait désormais que les patients dialysés sur liste d’at- tente – immunodéprimés, donc plus fragiles – ont été infectés par le Covid deux fois plus que les transplantés (qui ont pu se protéger en restant chez eux) ? Une société où la direction de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris annonce, le 3 novembre, alors que s’approche dangereusement le pic de saturation des hôpitaux, la fer- meture des urgences de l’Hôtel-Dieu pour redéployer le personnel dans d’autres hôpitaux ?
Comment qualifier une société dans laquelle les piliers de la civili- sation, à commencer par le droit à la santé et à l’instruction, sont chaque jour un peu plus remis en cause ?
Le qualificatif, le voilà : une société en marche vers la barbarie, dans laquelle les travailleurs et les jeunes, et en particulier les plus fragiles, sont sacrifiés sur l’autel du « On ne peut pas faire autrement » ou encore du « Il faut bien limiter les dégâts ».
Des dégâts que certains ne connaissent pas. Bien au contraire ! Alors que le gouvernement refuse obstinément le recrutement des per- sonnels nécessaires dans les établis- sements scolaires et les hôpitaux et la réquisition des bâtiments permettant la distanciation physique et la prise en charge de tous les patients, l’argent coule à flots pour les capitalistes*.
Alors, oui, plus que jamais, ces milliards doivent être utilisés pour répondre aux besoins urgents des tra- vailleurs et de leurs familles, besoins urgents de lits et de personnels dans les hôpitaux, d’enseignants et de locaux dans les écoles. n
Christel Keiser
* 560 milliards d’euros ont été offerts aux patrons et banquiers depuis le mois de mars.
        L’annonce par le gouvernement Macron du basculement des cours en distan- ciel dans les universités cache mal son incurie à gérer la crise du Covid-19. Les
trois mois perdus pour disposer de masques, le refus de dégager les moyens pour appliquer le principe « dépister, isoler, traiter », l’inca- pacité à tirer les leçons dans les hôpitaux sont la cause majeure de ce reconfinement dont une génération devrait faire les frais. Thomas Clay, administrateur provisoire de l’université Paris-1 Panthéon-Sorbonne, réagit sur France Info : « Au détour d’une phrase, le président de la République, ce soir, a finalement envoyé tous les étudiants de France chez eux (...). C’est une génération qui est un peu sacrifiée. » « (...) En réalité, plus ils sont dans nos murs, plus ils sont protégés (...). Je ne voudrais pas, pour le dire plus clairement, que l’université soit la variable d’ajustement d’une politique sanitaire (...). » Près de trois millions d’étudiants interdits, de fait, d’études supérieures, privés du droit à l’instruction. En réalité, c’est particulièrement
les enfants de la classe ouvrière qui sont visés, sacrifiés sur l’autel de l’incapacité sociale de ce gouvernement à les protéger sanitairement sans les détruire intellectuellement et sociale- ment ! Une limite est atteinte. Un sentiment profond se répand jusqu’aux plus hauts som- mets des institutions universitaires : « Une génération sacrifiée », inacceptable !
Comme la Conférence des présidents d’université (CPU), dès le 29 octobre, le sou- ligne : « (...) Cette mesure, justifiée par le contexte sanitaire, va frapper de plein fouet les étudiants de première année qui ont déjà souf- fert d’une année de terminale très difficile. Si nos étudiants les plus brillants ou mieux armés sociologiquement (traduisons, les enfants des familles privilégiées – ndlr) pourront sur- monter cette nouvelle épreuve, les plus fragiles risquent de décrocher irrémédiablement. » Elle fait part « de sa stupéfaction en apprenant que, dans le même temps, les classes préparatoires aux grandes écoles, dans les lycées, pourront rester ouvertes » et pointe le caractère de classe
de la décision du gouvernement : « Les classes préparatoires, souvent bondées, accueillent des élèves issus de milieux sociaux plus favorisés. Rien ne peut justifier, en dehors d’un réflexe sociologique de reproduction, une telle diffé- rence de traitement. Cette décision ôte toute crédibilité aux annonces du gouvernement en faveur de l’égalité des chances, dont il prétend faire son cheval de bataille. » Elle conclut : « C’est un combat que les universités ne renon- ceront pas à mener. (...) Les étudiants, tous les étudiants, méritent le soutien de la Nation. » La Conférence des présidents d’université, véritable institution qui utilise habituellement un langage modéré, pointe une réalité indis- cutable : oui, les enfants de la classe ouvrière sont les victimes désignées de cette politique. C’est bien au compte des capitalistes que la politique menée par ce gouvernement pré- tend les sacrifier. Faudrait-il les laisser faire ?
n
Christian Morain
L’université Paris-Diderot vidée de ses étudiants, le lundi 2 novembre
    « Nous réclamons d’urgence
un recrutement massif d’enseignants, la mise à disposition de locaux »
« Recrutement massif de personnels »
Communiqué commun SNUDI-FO - SNUipp-FSU «A Villejuif (Val-de-Marne)
bsence de masque pro- chirurgicaux pour tous par jour et tégeant les enseignants d’un véritable plan d’urgence, qui et les accompagnants passe par un recrutement massif de des élèves en situation personnels permettant le maintien de
Assemblée générale au lycée Louise-Michel Bobigny (Seine-Saint-Denis)
Les personnels du lycée Louise-Michel, à Bobi- gny, réunis en assemblée générale le 3 novembre
2020, avec leurs syndicats SNES, CGT, FO, CFDT, et SUD dénoncent « une situation im- possible. Pris à la gorge, nous cherchons toutes et tous des solutions pour éviter la ferme- ture imminente du lycée. Nous sommes certains d’une chose : le statu quo est inacceptable. (...) Des collègues, soucieux de trouver une solution immé- diate, pensent qu’il faut faire des demi-groupes et demander aux élèves de rester la moitié du temps chez eux sans cours en présentiel. Mais comme cela si- gnifie deux fois moins de cours, donc moins d’instruction, d’autres collègues s’y opposent, arguant que ce serait participer à la dislocation de l’école, à la territorialisation, à l’affaiblis-
sement des services publics déjà
organisée par le gouvernement. de handicap (AESH), non-remplace-
la totalité des heures d’enseignement dues aux élèves avec l’allègement des effectifs dans les classes, l’entretien et la désinfection des locaux. » Les syn- dicats appellent à un rassemblement vendredi 6 novembre à 12 h 20 pour préciser les revendications et discu- ter des moyens de les faire aboutir (3 novembre 2020). n
Aucune solution pérenne ne peut être mise en œuvre localement (...). Les élèves ont besoin d’enseignants en plus pour rattraper les mois perdus du premier confinement (...). Nous réclamons donc d’ur- gence un recrutement massif de personnels enseignants et de vie scolaire, d’infirmières, d’agents administratifs, d’agents tech- niques, d’assistantes sociales et de PsyEN et un recrutement massif de personnels ensei- gnants. Les moyens existent : qu’une petite partie des cen- taines de milliards d’argent public débloqué par le gouver- nement depuis le début de la crise sanitaire soit consacré à l’école publique, à l’instruction de la jeunesse, à un plan de rat- trapage des mois de cours per- dus (40 pour, 7 abstentions). »n
ment des collègues en autorisation spéciale d’absence ou malades, nou- veau protocole sanitaire à mettre en œuvre... la situation est de plus en plus insupportable...
Nous réaffirmons notre exigence de fourniture de masques réellement protecteurs, a minima trois masques
 Maintenir « la totalité des heures dues aux élèves »
L
en particulier avec des “masques FFP2” », du « gel hydroalcoolique », « des lingettes virucides », « une prio- rité pour passer des tests en urgence et avoir des résultats en quelques
es onze enseignants de l’école se sont réunis le 3 novembre. Ils s’adressent à leur employeur
pour « garantir leur sécurité et
heures ». Ils exigent pour les élèves et eux-mêmes « un plan de recru- tement d’enseignants supplémen- taires » « pour mettre en place des groupes réduits qui limiteront la propagation du virus, tout en main- tenant la totalité des heures d’en- seignement dues aux élèves (...) » Motion votée à l’unanimité. n
École Makarenko Vitry (Val-de-Marne)























































   1   2   3   4   5