Page 17 - Black Beautés Magazine
P. 17

LE LUXE À L'AFRICAINE REDÉFINIT



                                   LA HAUTE COUTURE







             Des  créateurs  africains,  antillais  et  afro-descendants
             imposent  une  vision  somptueuse,  enracinée  dans  leur
             culture.  On  explore  un  Afro-luxe  sans  complexe,  en  wax
             tissé  main,  soie  d’Accra,  perles  massaï  ou  broderies
             haïtiennes.

             Imane Ayissi : le fil d’or d’un continent


             Il  ne  coud  pas,  il  sculpte.  Quand  Imane  Ayissi  entre  en
             scène, c’est toute l’Afrique qui redresse l’échine. Ancien
             danseur  étoile,  fils  de  Miss  Cameroun,  il  a  troqué  le
             mouvement du corps pour celui du tissu. Mais dans ses
             créations, rien n’est figé : chaque couture parle, chaque
             étoffe milite.


             En janvier 2020, il entre dans l’Histoire. Premier styliste
             d’Afrique  subsaharienne  à  intégrer  le  calendrier  officiel
             de la Haute Couture à Paris — un cercle jusque-là fermé,
             blanc, codifié. Son défilé, baptisé Akouma (« richesse » en
             ewondo),  fait  l’effet  d’un  coup  de  tonnerre.  Pas  de  wax
             folklorique  ni  de  cliché  safari  :  des  raffinements
             ancestraux, du Bogolan tissé main, du Kente réinterprété,
             portés comme des armures de dignité sur des silhouettes
             taillées au laser.
             «  Je  veux  que  l’on  regarde  l’Afrique  autrement.  Pas
             comme  une  source  d’inspiration  exotique,  mais  comme
             un continent qui crée, qui pense, qui révolutionne. »
              — Imane Ayissi, Le Monde, 2023.

             Ayissi refuse le folklore. Il sublime la modernité africaine.
             Il parle de textiles pensés avec les mains et le cœur, de
             beauté  sans  compromission,  de  mode  politique.  Son
             travail  évoque  l’élégance  d’un  Yves  Saint  Laurent  croisé
             avec l’ancrage d’un griot.
             Il  habille  Angela  Bassett,  Zendaya  et  Aïssa  Maïga,  mais
             aussi des femmes noires anonymes qui veulent marcher
             dans le monde avec grandeur. Ses robes ne sont pas des
             caprices de podium : ce sont des manifestes portables.
             Dans  les  ateliers  qu’il  soutient  au  Cameroun,  la
             transmission est reine. Ayissi n’est pas qu’un couturier —
             il  est  un  passeur  de  savoirs,  un  bâtisseur  d’esthétiques
             africaines de demain. Et à chaque point de couture, c’est
             une  blessure  coloniale  qu’il  recoud.  En  silence.  Avec
             majesté.
   12   13   14   15   16   17   18   19   20   21   22