Page 36 - Black Beautés Magazine - Spécial été 2020
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La fierté de la femme africaine B.B : Dans le royaume de Tô, le roi Arôssou et B.B : Qu’est-ce qui vous a donné envie d’écrire
sa reine Ayoavi sont protégés par de redoutables
sur ces Amazones béninoises ?
selon Véronique Diarra guerrières, des Amazones. Agnonlètè (qui signifie V.D : J’ai tenu à honorer la mémoire des Agodiè
tu es belle en fon) est l’une d’elles, présentez-nous
du peuple fon, ces guerrières, combattantes
cette femme à la beauté renversante ?
V.D : Agnonlètè, l’Agodiè, ce qui signifie guerrière d’élite, plus courageuses et plus puissantes que
leurs homologues masculins. Je précise que ces
en langue fon de l’actuel Bénin, a le teint d’un hommes ne déméritaient pas en tant que guer-
éronique Diarra est professeur de lettres et auteure de romans à succès tels que « noir profond, riche en mélanine, ce présent que riers.
Shuka, la danseuse sacrée » ou encore « Non, je ne me tairai plus ». Française d’origine
V congolaise, ivoirienne et burkinabè, l’auteure célèbre la beauté de la femme noire à la nature a offert aux afri- « Lecteur afro descendant B.B : Quels étaient
travers ses livres. cains. Agnonlètè prend découvrez dans mes romans leurs rôles face à l’inva-
Nous avons rencontré pour vous cette talentueuse romancière qui grand soin de sa peau sion occidentale ?
nous présente avec passion son travail, sa vision de la beauté avec une savante compo- votre identité d’africain. V.D : Le rôle des Agodiè
noire et nous fait revivre les fabuleuses civilisations africaines sition d’huiles qui donne Surtout, n’oubliez jamais était de combattre.
à travers ses romans « Agnonlètè une vie d’Amazone » à son épiderme un éclat
ou encore « Le Dernier Voyage du Roi Aboubakry Keïta » incomparable. Pour éviter de remercier Dieu de vous Leur idéal : assurer la
aux Éditions Wawa. aux africains des inso- avoir créés noirs ! » sécurité du trône et du
lations ou des troubles peuple fon en écrasant
cérébraux, à cause du puissant soleil d’Afrique, tout ennemi.
Black Beautés : Pouvez-vous décrire en quelques la nature a chargé la mélanine de les coiffer d’un Concernant l’invasion occidentale, leur rôle était
mots votre parcours ? casque capillaire : une chevelure dense et crépue. de détruire les occidentaux, les abattre sans pitié.
Véronique Diarra : Née à Brazzaville au Congo, j’ai Agnonlètè a choisi de porter la sienne courte. Son Elles devaient les vaincre pour épargner au roi
grandi à Abidjan, en Côte d’Ivoire. J’ai obtenu une beau visage ne laisse personne indifférent à cause et au peuple fon la déchéance de l’esclavage,
Licence puis un CAPES de Lettres Modernes à de l’éclat de ses yeux. Étirés vers ses tempes, ils l’humiliation de la colonisation. Dans leur déter-
l’Université Nationale d’Abidjan en 1987.Le ministère semblent des coquillages d’un blanc nacré, parés mination elles refusaient la défaite. Leur violence
de l’Education Nationale m’a placée au lycée Sainte de tourmalines. Ces pierres semi-précieuses d’un était sans limite. Lors des agressions des escla-
Marie de Cocody pour y enseigner le français. En noir brillant ont la vertu de repousser toutes vibra- vagistes européens, des Agodiè étaient capables
1998 j’ai retrouvé l’établissement de mon enfance : tions négatives. d’égorger de leurs dents limées en pointes, les
le collège international Jean Mermoz d’Abidjan. Dans Agnonlete est une beauté africaine des zones mercenaire blanc sur qui elles se jetaient. Elles
ce groupe scolaire au primaire comme au secondaire côtières et semi-forestières. Son nez l’avantage mouraient ensuite criblée de balles par les autres
l’enseignement correspond au programme pédago- en lui permettant d’identifier tous les parfums de flibustiers haineux.
gique de France. Des élèves de toutes nationalités la nature. C’est pourquoi il est assez large. Sa
s’y côtoient. En novembre 2004 des troubles sociaux bouche charnue garde souvent le silencieux car B.B : À travers vos romans, quels messages avez-
et politiques m’ont poussée à me rendre en France ses cinq sens restent en éveil perpétuel. Ainsi, vous envie de transmettre ?
avec ma petite famille. J’y ai poursuivi ma carrière sa vigilance lui permet de percevoir et d’anticiper V.D : Chacun de mes romans présente une
d’enseignante. tous les dangers. page de l’authentique histoire d’afrique.
En Août 2013 la passion de l’écriture me saisit. Ses oreilles à l’ouïe fine portent de petits anneaux C’est celle que des historiens afro descendants
Mon premier roman : d’or. Un large collier du même métal précieux ont reconstituée en étudiant personnellement des
- Shuka la danseuse sacrée enserre son cou. Sa silhouette en V est celle des vestiges, des documents oraux et écrits.
La maison d’édition l’Harmattan l’a fait paraître en sportives : des épaules carrées une taille fine et Je fais voyager le lecteur afro descendant pour
novembre 2017. des hanches aux courbes délicates. Agnonlètè, lui délivrer des messages de la plus haute impor-
Les trois autres se succèdent chez Wawa éditions : bâtie pour le combat n’en est pas moins féminine. tance.
- Non je ne me tairai plus en juin 2018 C’est une « belle plante », grande et gracieuse Je leur décris le confort des logements où leurs
- Agnonlètè une vie d’Amazone en avril 2019 comme un palmier royal. Sa poitrine haute s’arron- ancêtres résidaient, leur élégance car ils se sou-
- Le dernier voyage du roi Aboubakry Keita en dit sous une brassière de coton, ses bras sculp- ciaient de leur image, eux, les inventeurs de la
novembre 2019. tés portent des manchettes et sa jupe de raphia mode, des accessoires et du maquillage.
Ayant mis momentanément l’enseignement entre met en valeur sa cambrure et ses longues jambes Je révèle enfin, quelles valeurs morales, spiri-
parenthèse, je me consacre à la littérature. Je vis en galbées qu’aucune course n’épuise. tuelles, culturelles ils conservaient et transmet-
région parisienne avec mes deux filles. Agnonlètè est beauté, grâce et puissance. taient à leurs enfants.