Page 44 - Lux in Nocte 15_Float
P. 44
Les glutins de Brocéliande
- petit conte forestier -
G.F. Spencer
Illustration Sacha Vausort
Au sujet de la forêt de Brocéliande, beaucoup de pages furent écrites, mais peu
d’entre elles ne valent cette petite histoire, dont Skell m’a fait part, un matin de
printemps.
La forêt est vivante.
Quelle trouvaille, me direz-vous ! Rien de plus commun que ces quatre mots. Et
pourtant, si l’on y réfléchit bien...
La forêt vit, car elle respire, par ses feuilles, l’air qu’elle a purifié quelques heures plus
tôt. Déjà, rien que cette phrase mériterait qu’on s’y arrête, mais bon, ce n’est pas le
sujet du jour.
La forêt vit, car elle capte par ses racines les vibrations du sol. Le moindre
mouvement d’un cerf à des kilomètres de distance est perçu par chaque arbre, chaque
herbe, chaque champignon, chaque mousse et chaque lichen. Cette perception est
tellement fine que tous ces évènements sont exploités sous forme d’énergie,
permettant à la sève et aux autres sucs de se déplacer plus rapidement. La forêt est
donc à même de recevoir des ondes. Ce que nous, représentants de l’espèce ultime,
appelons l’ouïe.
Et ce n’est pas tout... Si la forêt est capable d’entendre, elle a aussi bien d’autres
facultés.
Sentir, par exemple. Nous humons les belles odeurs des sous- bois, bien entendu, et
de ces odeurs pouvons en tirer moult informations comme le type de sol, humique,
rocheux, sablonneux, argileux, ou les résines, les fleurs... tous ont leur odeur propre.
Et la forêt ? Les arbres sont-ils pourvus de narines ? Non, ils ne le sont pas, c’est
évident. Qui a déjà entendu éternuer un bouleau, ou un chêne, ou encore un hêtre ?
Et pourtant... la moindre présence de gaz ou de vapeur dans l’air peut faire se
recroqueviller des feuilles, ou se refermer des boutons en fleur, et ce, bien avant que