Page 10 - LeJourOùJeSeraiOrphelin-ChristineAdamo
P. 10
Christine Adamo - Copyright NMS51GC
Le papa hippocampe, lui, il a un petit sac dans le ventre qui s'ouvre,
pareil qu’une fermeture éclair, même qu’on doit pouvoir la réparer
avec les outils que papa achète chez Castorama. Du coup, je trouve
ça drôlement plus pratique. Des fois, je voudrais être un
hippocampe. Et jamais avoir eu de mère.
Il y a des dessins de petits hippocampes jaunes et bleus sur
le mur tout autour de ma chambre. Ils se suivent de tout près
comme s’ils faisaient la queue au supermarché, mais sans caddie.
C'est joli. Mais c’est aussi un peu bête parce que j'en vois
seulement cinq de chaque côté de la fenêtre par où on voit la cour,
vu que les autres sont cachés par les étagères. Je crois que ceux qui
étaient derrière les livres, ils sont repartis à la mer. Ça doit pas
aimer tellement les livres, un hippocampe. En plus, dans l'eau, on
peut pas lire. Le papier fond. Et ça, j’en suis sûr. Vu que j’ai
essayé.
C'était un vieux livre que j'avais pris dans la chambre de
maman. Ça s'appelait Ce-que-savait-Maisie. Et c'était l'histoire
d'une petite fille qui disait rien mais qui espionnait tout le monde.
C'était des fois marrant et des fois triste. Mais vu qu’il y avait pas
d’animaux qui mouraient, ça me gênait pas trop. Le seul truc
embêtant, c’est que j’étais dans mon bain. Donc l'eau de la
baignoire a commencé à grimper sur mes doigts et sur le livre. Les
pages se sont sauvées pendant que je les tournais. A la fin de
l'histoire, la couverture était toute nue sans son intérieur. Et mon
bain ressemblait à un étang des feuilles de nénuphars carrées et
recouvertes de crottes de mouche tout en ordre.
Forcément, maman est arrivée à ce moment-là. Toute façon,
elle me laisse jamais m'enfermer dans la salle de bain vu qu’elle
10