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Christine Adamo - Copyright NMS51GC





                               En même temps, j’étais pas sûr que j’avais mangé assez de

                        pêches  même  si  j’avais  eu  la  colique.  Et  pour  le  muguet  et  les

                        feuilles de digitales, le livre avait pas dit combien il en fallait pour
                        faire hop du cœur. Donc je suis sorti de ma chambre. Vu que j’en

                        pouvais plus d’attendre.

                               Dans la cuisine, maman essuyait la vaisselle et elle regardait
                        par la fenêtre les gens qui marchaient à côté du canal en se tenant la

                        main. Elle avait l’air triste, mais pas plus que d’habitude. En plus,

                        je voyais encore le dessus de la tête du père-de-maman dans son
                        fauteuil. Et il avait pas bougé.

                               J’étais  super-déçu.  Mais  vu  que  je  voulais  être  sûr  que

                        j’avais  pas  eu  la  colique  pour  rien,  je  me  suis  dit  je-vais-faire-

                        comme-si-je-voulais-regarder-par-la-fenêtre-et-c’est-tout. Alors j’ai
                        avancé, même si j’avais mon cœur qui tapait fort dans ma gorge. Et

                        je l’ai vu.

                               Il  avait  la  tête  penchée  sur  le  côté  et  les  yeux  fermés.
                        Comme quand il fait semblant de dormir parce qu'il a dit avant je-

                        suis-épuisé-à-rien-faire,  c’est-terrible-Mariie-Céliine,  ma-vie-est-

                        un-enfer.  Seulement  là,  il  ronflait  pas.  Alors  j'ai  touché  sa  main,

                        genre je l’ai pas fait exprès. Je me disais que s’il faisait semblant de
                        dormir, il allait ouvrir les yeux. Mais lui, il a continué à pas bouger.

                        Et sa bouche est restée ouverte. Elle bavait seulement un peu sur

                        son pull gris.
                               Du coup, même si ça me dégoutait, j’ai pris sa main qui était

                        toute froide et molle. Et j'ai secoué en disant tout bas grand-père-

                        grand-père. Pour une fois, ça me gênait pas de l'appeler comme ça,
                        vu que je savais que j’avais réussi.

                               Il était mort.





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