Page 16 - 14-08-2019
P. 16

16                                                            CULTURE

             Mercredi 14 Août 2019
                                                                              Music

                        QUEL APPORT DE LA RECHERCHE




                                                    POUR LE DIWAN ?



                Afin d’évaluer le degré de connaissances scientifiques atteint sur la musique diwan et le rituel dont elle est l’émanation et l’importance
              des données récoltées et leur exploitation à des fins de préservation, de développement ou à des fins anthropologiques il suffirait peut être
               de comparer cela avec les connaissances acquises autour d’un genre musical un peu similaire comme l’Imzad par exemple qui est un style
                                                  musical ancestral même s’il est beaucoup plus ancien que le diwan.
                 ’imzad tout comme le                                                                                           tions.
                 diwan s’articule autour d’un                                                                                   Aussi l’évolution et le passage de
            Lrituel, ils comprennent tous                                                                                       l’environnement naturel qu’il soit
            les deux au moins un instrument                                                                                     sacré, familiale ou intime à l’es-
            musical artisanal entièrement fa-                                                                                   pace profane, grand public et
            briqué manuellement et avec des                                                                                     truffé de technicité qu’est la scène
            matières premières naturelles, les                                                                                  artistique s’opère avec beaucoup
            deux styles s’accompagnent de                                                                                       de prudence et une infini lenteur
            textes transmis oralement et né-                                                                                    pour l’Imzad qui a l’air de préférer
            cessitant des traductions, les sons                                                                                 garder son cadre originel contrai-
            et rythmes des deux musiques                                                                                        rement au diwan qui été viole-
            sont difficiles à assimiler dans les                                                                                ment propulsé sur scène sans
            musiques et les sonorisations                                                                                       encadrement, un passage du
            contemporaines les praticiens                                                                                       sacré au profane longuement dis-
            présentent tous des spécificités                                                                                    cuté par des passionnés à Bechar
            anthropologiques de grande im-                                                                                      lors du festival sans grand résul-
            portance.                                                                                                           tat.
            Tout ceci pour dire à quel point                                                                                    Résultat des courses il est des ré-
            ces musiques peuvent se ressem-  de la tutelle et des centres de re-  et même traduite en plusieurs  Lors de la constitution du dossier  gions qui ont perdu l’utilisation
            bler mais quelle importance a-t-  cherches et ces praticiens reçoi-  langues alors que le diwan qui  de classement l’anthropologue  du goumbri dans le diwan et qui
            on    accordé   au    diwan  vent régulièrement de la matière  compte des centaines de bradjs  Badi Dida avait aussi soigneuse-  ne l’ont retrouvé que pour pren-
            comparativement à une musique  première nécessaire à la fabrica-  dont certains ont déjà disparu n’a  ment étudié l’environnement  dre part au festival, un événe-
            aujourd’hui inscrite par l’UNESCO  tion de l’instrument et une assis-  jamais bénéficié d’un tel intérêt  dans lequel évolue cette musique  ment qui a permis au public et
            au patrimoine mondial de l’hu-  tance médicale ce qui est très loin  des chercheurs même si, théori-  tout comme le rituel dont elle  aux chercheurs de découvrir entre
            manité.                      d’être le cas des diwan qui se  quement, il existe quelques spé-  émane ainsi que les différents  autres un diwan chanté en tama-
            En premier lieu, les plus impor-  connaissent entre eux.  cialistes, alors qu’aujourd’hui les  bouleversements qu’elle a subit  zight, un autre basé sur la danse
            tantes joueuses d’Imzad capables  La poésie et les différents airs de  jeunes avouent chanter des textes  ce qui a à peine été survolé dans  et le tbel sans goumbri, le redé-
            d’enseigner cet art ainsi que les  l’Imzad sont tous aujourd’hui en-  sur lesquelles ils n’ont aucune in-  le diwan par des universitaires is-  couverte du kerktou ou de
            hommes dépositaires de la poé-  registré dans une banque de  formation et réclament ne serait-  sues généralement d’autres do-  troupes dans des régions jusque
            sie qui accompagne le jeu sont  données numériques, et la poésie  ce qu’un petit livret contenant  maines et qui n’ont jusqu’à ce  là insoupçonnées pour ne citer
            tous connus répertoriés au niveau  ancestrale en Tamasheq transcrite  des textes transcrits.  jour que de très rares publica-  que cela.
                                                             Histoires des plaines de Ghrissà
                                     Lalla Robba, le glaive et le bouclier


            Si un jour en traversant les généreuses  laire, mais bel et bien, une réalité historique  ans. Charles André Julien nous instruit que  tance contre les notables berbero-romains
            plaines d’El M’cid et de Ghriss, vous prenez  de l’antiquité. C’est au douar chouaref, de  : «les fouilles opérées à Ala Miliara (Benian),  spoliateurs. Le site de Benian (Ala Miliara),
            un peu de temps pour causer avec les ha-  la bourgade de Benian, au cœur de la fer-  en 1898, nous permettent d’évoquer les  qui fut donc, la citadelle de la résistance
            bitants, vous resterez interdits devant le  tile plaine de Ghriss, à environ 50 km du fa-  rencontres sanglantes entre hérétiques et  prolétarienne de la Maurétanie Césarienne,
            nombre de femmes de cette région, pré-  meux Djebel Robba, qu’ont été retrouvés  orthodoxes dans la Maurétanie occidentale  après avoir été dépouillée au cours des
            nommées Robba.  La population de cette  en 1898, les vestiges de la basilique de  où le donatisme restait puissant.   fouilles de 1898, puisque l’inscription de la
            contrée, fidèle à la tradition, expliquera  Robba. Ce site archéologique de l’antique  Elles mirent à jour les caveaux de plusieurs  martyre donatiste (Robba), les épitaphes de
            cette singularité, en vous rapportant un  cité berbéro-romaine, est hélas aujourd’hui,  dignitaires de la secte, notamment celui de  l’évêque Donatus et un des chapiteaux de
            récit, propre à l’imagination et la piété po-  négligé par nos autorités, à l’image de l’his-  la religieuse Robba, qui succomba, en 434,  la colonne de l’abside ont été envoyés au
            pulaires : «lors du passage d’un cortège de  toire méconnue de Robba ou LALLA  sous les coups des traditeurs» .Parmi ces  musée du Louvre, où ils furent longtemps
            mariage et lors d’une pause au niveau du  ROBBA, comme la surnomme les sincères  foyers de résistance à l’autorité romaine al-  exposés dans le pavillon dédié à l’Algérie,
            djebel, une dame, après que son enfant ait  dévots de la région.        liée de l’église officielle impériale, celui qui  n’en continue pas d’être dilapidée Au len-
            fait ses besoins, lui a fait sa toilette avec un  Lalla Robba, la religieuse, mais aussi la  était situé dans les plaines de M’cid et  demain de l’indépendance, le pillage et le
            gâteau d’origine berbère (msemène). La  guerrière, est considérée comme la pre-  Ghriss, avait donc, à sa tête, en suivant tou-  trafic mercantiles des vestiges a fait leur
            malédiction divine s’abattit alors sur le  mière résistante de l’Algérie antique, qu’on  jours C.A. Julien, une femme : « ROBBA. La  apparition. Les coopérants accompagnés
            groupe de fêtards , qui a été transformé  pourrait, à ce titre, comparer aux autres  religieuse, la berbère autochtone de la  par des habitants ignorants et cupides, ont
            selon la légende, en pierres. La dame incri-  femmes berbères, avant-gardistes :  Maurétanie Césarienne profonde, avec sans  fait main basse sur de nombreuses pièces
            minée (Robba) a quant à elle, subi une «as-  • Dihya ( la KAHINA), Reine guerrière, qui  doute l’appui de l’évêché d’Aqua Sirens (  archéologiques. Une partie de la muraille
            cension». Voilà pourquoi ce monticule situé  unifia les tribus berbères, pour mettre en  Bouhanifia ) et celui d’Ala Miliara (Benian)  de la basilique, élevée pour symboliser la
            dans la plaine d’El M’cid, est appelé par les  échec les armées musulmanes pendant 5  a choisi le moment propice, c’est-à-dire l’in-  grandeur de la martyre, est ostensible et
            autochtones «Djebel Lalla Robba». Ce dje-  ans et,                      vasion vandale pour organiser un mouve-  l’emplacement de la Basilique de 26,80 m
            bel recevait dans un passé récent, des vi-  • Fadhma n’Soumer, surnommée par les  ment de révolte, avec les prolétaires, contre  de long, sur 16 m de large, localisé avec
            sites (zyarates) votives, nous a t-on affirmé.  français “ la Jeanne d’Arc du DJURDURA”,  l’église officielle et les colons».  Le dona-  précision, pourtant il n’a pas livré tous ses
            Ce récit incohérent, transmis par la tradi-  cheffe spirituelle et stratège militaire, qui  tisme est un schisme qui divisa l’Église, en  secrets. Il faut vite le prendre en charge car
            tion avec des humains pétrifiés comme dé-  dirigea pendant 7 ans la résistance Kabyle,  Afrique, pendant trois siècles et demi, de la  ce témoin d’une histoire du passé, est livré
            nouement, n’est pas sans nous rappeler  face aux troupes françaises du Maréchal  fin de la persécution de Dioclétien à la  aux affres du temps et au pillage des
            celui des maudits de Hamam Meskhoutine  Randon.                         conquête arabe. Il a pris son essor dans ce  hommes, en dépit des promesses , de la
            (Guelma) Cependant les fouilles archéolo-  Pendant plus de cinq ans (429 à 434),  qui correspond approximativement au ter-  ministre de la culture, de missionner une
            giques menées à Benian dans la plaine voi-  Robba mène parallèlement à son action re-  ritoire de l’Algérie, malgré les persécutions,  équipe pour préparer le classement de du
            sine du Ghriss , nous ont révélé que Robba  ligieuse, une guerre sans merci jusqu’à son  les donatistes issus du prolétariat berbère,  Djebel Lalla Robba et de la basilique*.
            n’est pas qu’une innocente légende popu-  assassinat par les traditeurs. Elle avait 50  ont mené une courageuse et rude résis-  C’était en 2009.
   11   12   13   14   15   16   17   18   19   20   21