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ÉCOLOGIE PRATIQUE
Cardeuse-ouvreuse manuelle
nous nous sommes engagées à racheter la totalité de sa laine au prix minimum de celui de la tonte qui s’est déroulée à la fin du mois de juin 2018, et qui a repré- senté un coût de près de 600 euros pour les quelque 300 brebis du troupeau. Une opération financée grâce à nos 24 adhérents et à la vente d’objets feutrés que nous avions confectionnés.
DES LAINES À TRIER
Le jour de la tonte, c’est aussi le moment du tri de la laine. Cette opération nécessite tout un savoir-faire. Elle consiste à récupérer, trier et rouler la toison juste derrière le tondeur en suivant son rythme. Nous ne sommes pas des professionnelles et nous nous lançons avec les moyens du bord en organisant un espace à côté du tondeur, pour trier les toisons par races, par couleurs, en enlevant toutes les parties crottées ou trop abîmées, ne gardant strictement que ce qui nous semble valorisable. Pendant deux jours, amis et adhé- rents sont venus nous prêter main forte. Nous nous retrouvons avec plus de 250 kilos de laine brute. Près de 100 kilos crottés sont destinés au paillage. Nous en avons donné une partie à un maraîcher bio du coin, pour qu’il réalise un test de paillage des oignons, ainsi qu’à l’association Agrof’île pour permettre des études scientifiques sur le paillage des arbres dans ses mis- sions d’agroforesterie. Avec le reste, nous remplissons nos garages, nos caves, nos greniers. Le vrai défi com- mence.
DES ENJEUX COLLECTIFS
À la maison, dans nos baignoires et nos bassines, avec nos savons et nos papiers bulles, nos brosses à chien et nos aiguilles à feutrer, nous faisons des expériences. Internet est une mine pour s’initier avec les autres, sur les blogs et les plateformes vidéo. Mais notre bonne volonté se heurte aussi à la réalité. L’effort individuel devient dérisoire au regard du travail qu’il nous faut pour chaque toison. Même si notre présidente nous prête gentiment sa cardeuse manuelle personnelle pour faire nos premiers rouleaux, nous nous mettons
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en recherche d’équipement. Une adhérente nous a même offert une cardeuse-ouvreuse manuelle à balancier qu’elle avait trouvée dans un vide-grenier. De notre côté, nous avons pu racheter la cardeuse- ouvreuse électrique d’un ancien tapissier qui dormait dans une maison du voisinage. Écologiquement se pose pourtant très vite la question de la dépense en eau et en énergie pour chaque kilo de laine brute. Il serait déraisonnable et contradictoire de laver toute la laine dans nos marmites.
Heureusement, nous ne sommes pas seules. Si les troupeaux ont longtemps déserté l'Île-de-France et avec eux les ateliers de laverie et de filature, de nou- veaux types d’élevage s’étendent depuis une dizaine d’années dans la région, dynamisés par les pratiques d’éco-pâturage en entreprise ou chez des particuliers. Ce sont souvent de petits troupeaux, allant de deux brebis comme moi à plus d’une cinquantaine. Tous se retrouvent avec la laine sur les bras. Lors des événe- ments et des festivals auxquels nous participons, nous faisons des rencontres. Un petit monde se fédère. Nous soutenons le projet d’Élise Jarreau, qui travaille en éco-pâturage avec son compagnon dans les Yve- lines en lien avec la Bergerie nationale de Rambouil- let. Dans un hangar, elle s’est déjà aménagé de quoi laver sa laine, en système D. Formée aux teintures naturelles, Élise obtient de très belles couleurs. Son idée serait de créer une unité de transformation de la laine pour l’Île-de-France. Pour monter son projet, elle a créé une association dont nous sommes adhérents, « les laines de Par ici ». C’est une ambition formidable mais qui demande beaucoup de moyens. Pour l’ins- tant, rien n’est joué.
NE PAS PERDRE LE FIL
Dans la perspective de la tonte 2019, nous ne pou- vons pas nous permettre d’entasser encore plus de 150 kilos de laine brute chez nous. Après avoir envi- sagé d’envoyer notre laine à transformer dans une des rares filatures qui restent dans le sud de la France ou en Belgique, nous avons finalement renoncé. Les coûts dépassaient largement nos moyens. De plus, dans ce contexte, la laine part sans qu’on sache ce qui va reve- nir. Les débris végétaux peuvent endommager les ma- chines. Une bonne partie de la laine peut être déclas- sée en déchet auquel cas elle n’est pas renvoyée. Il est probable que, dans une laverie professionnelle, la plus grande partie ne soit pas recevable. Or, le plus impor- tant pour nous consiste à ne pas perdre le fil de nos toisons. Nos tâtonnements nous conduisent au fur et à mesure à trouver des solutions. C’est au Festival des bergers, des brebis et de la laine, organisé à Fontaine- bleau en septembre dernier par la SCIC Les Champs des possibles, en partenariat avec l’association Bre- bis laine, que nous avons rencontré le MacGyver des


































































































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