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LA CHRONIQUE DE PINAR
Patiente, mais pas soumise
Dans le dernier numéro, Sophie Lacoste vous a appris le décès de Mylène.
Nous avons perdu notre amie. Elle a résisté, elle a tout fait pour continuer à vivre un peu plus, pour ne pas nous laisser sans elle. Mais elle a dû partir. Elle nous a laissé le souvenir d’une femme résistante et pétillante. Sa voisine disait : « Mylène était comme le champagne... Je garderai tou- jours cette image ». Moi aussi, je garderai toujours le souvenir de cette femme exceptionnelle.
Aujourd’hui, je vais vous parler d’une autre résistante. Beaucoup plus jeune, mais aussi forte. Elle lutte pour garder son autonomie, sa dignité malgré sa maladie.
L’année dernière, Leyla a appris qu’elle avait un cancer du sein. Elle a été opérée. Après l’opé- ration et après la décision de la commission, les médecins lui ont proposé un protocole de soins : chimio, rayons, hormonothéra- pie. Le traitement devait débuter par 6 séances de chimio. Ils l’ont appelée pour lui installer une « chambre implantable » pour faire la chimiothérapie. Le ren- dez-vous a été pris.
Leyla avait alors prévu de faire une petite escapade dans les mêmes dates, de s’offrir un petit voyage. Ça lui semblait important pour sa santé.
Elle avait rendez-vous un jeudi pour l’implantation et avait son billet pour partir en voyage le vendredi. Elle a donc appelé le
service dans lequel était prévu le rendez-vous pour savoir si cela ne posait pas de problème : « Est-ce que je peux voyager après cette intervention, avec cet implant ? Est-ce qu’il y a des choses que je dois éviter ? » La dame qu’elle a eue au téléphone l’a rassurée : « Ne changez rien. Vous pouvez continuer normalement votre vie quotidienne. » C’était quoi la vie quotidienne ? Est-ce que cette dame connaissait la vie quoti- dienne de Leyla ? « Mais je vais voyager... » lui dit-elle. « Oui, pas de problème. » Donc Leyla n’a pas modifié son programme.
Le jeudi, elle se rendit au rendez- vous à l’hôpital pour cette im- plantation. Les deux infirmières qui s’occupaient d’elle ont alors commencé à lui transmettre de nombreuses recommandations qui ont étonné Leyla : « Les indi- cations n’étaient pas très précises. Elles me disaient qu’après, je pou- vais jouer au tennis, mais pas au volleyball. Pourquoi ? Au lieu de m’expliquer, elles se sont conten- tées de m’interdire le volleyball. J’aurais voulu comprendre. Pour- quoi pourrais-je jouer au tennis, alors ? ».
Notre Leyla n’est pas une sou- mise. Elle a insisté pour connaître les effets secondaires de l’im- plantation et les motivations des recommandations strictes qui l’accompagnaient. Elle a insisté : « Vous devez m’expliquer, parce que j’ai le droit d’organiser ma vie. » Une des deux infirmières est partie, énervée.
L’autre, selon Leyla, était très
sympathique et a pris le temps de lui expliquer qu’il y a quelques années, on prévoyait un rendez- vous avec les patients pour leur expliquer les effets secondaires de cette implantation : « Mais main- tenant, ces rendez-vous n’existent plus parce qu’il y a moins de per- sonnel. Ils font des économies ! » Leyla se trouvait confrontée à un système de santé qui fait des éco- nomies sur le dos des patients, en les empêchant, par exemple, de poursuivre normalement leur programme des jours à venir sans pour autant les avoir prévenus.
Quand l’infirmière lui a expliqué les éventuels effets secondaires, notre Leyla a fait le point : soit elle annulait ce voyage prévu et dont elle attendait beaucoup de bien, soit elle reportait le rendez- vous.
Elle était en pleine réflexion, se demandant quelle décision prendre, quand le médecin arriva. Il était équipé pour réaliser l’opé- ration, mais s’est aperçu que sa patiente, elle, n’était pas prête... « Est-ce que l’infirmière vous a tout expliqué, madame ? » Leyla regarda le médecin qui ne cachait pas qu’il était très pressé. Elle lui répondit calmement : « Oui, à l’instant. Seulement maintenant. Donc je n’ai pas eu le temps d’in- tégrer les informations. »
Le médecin était étonné : « Dépêchez-vous madame. Il y a d’autres personnes qui m’at- tendent. » Mais Leyla était détermi- née : « Je ne veux pas subir cette in- tervention maintenant. Avez-vous
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