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Dans ses histoires, les méchants, souvent, redeviennent gentils. De même les héros ne sont jamais idéalisés et, mêmes fantaisistes, les récits voient toujours triompher l’altruisme, et cheminent vers le sens de la solidarité. Enfant ou nuage, extraterrestre ou musicien, chien né chez les chats ou foule d’animaux mal aimés (chauve- souris, pieuvre, vautour), tous apprennent à tirer parti de leur différence dans un monde toujours imparfait aussi imaginaire qu’il puisse être.
« Tous mes livres sont engagés, des passe-partout qui ouvrent des portes », affirme le dessinateur qui ajoute qu’il consacrera son prochain livre aux réfugiés. « Dans l’enfant, il y a une innocence qu’on a beaucoup de mal à préserver en grandissant. Rester innocent et savoir se défendre, c’est l’objectif que je me suis fixé » Cette candeur préservée, source d’émerveillement permanent, passe par la tolérance et la remise en cause. Elle permet de rester lucide face au réel, de garder à distance la souffrance, en usant de subversion poétique par tous les moyens d’expression.
RÉPONDRE SPONTANÉMENT AUX QUESTIONS DES ENFANTS
C’est Alexandre Delcroix, rédacteur en chef de Philosophie Magazine, qui a proposé à Tomi de répondre aux questions des enfants pour son magazine pendant plus de quatre ans.
« On a décidé d’arrêter de demander à des philosophes de s’adresser à des enfants pour prendre quelqu’un qui parlait déjà aux enfants avec une
profondeur philosophique. Tomi Ungerer était une évidence », explique-t-il. « Je n’aime pas trop le mot philosophique, mon cerveau est dans mes mains », répond modestement Tomi qui n’a pas hésité.
Amateur de mots croisés, il est tombé amoureux des mots, encore enfant quand, dans le dictionnaire, il découvrait l’existence de mots extravagants comme infundibuliforme (en forme d'entonnoir) et que son frère lui apprenait le sens d’anthropophage. Sa dyslexie l’aide à inventer des nouveaux mots, en jouant sur l’orthogriffe. « Il faut pousser les enfants à aller regarder dans les dictionnaires. Le vocabulaire existe pour qu’on lui donne une nouvelle vie. Dans le fond, mon but, et mon intention, c’est d’aiguillonner les enfants, la créativité découle de la curiosité. Plus un enfant est curieux, plus il te pose de questions, plus il accumule des connaissances. À partir du moment où il se met à comparer, il a de l’engrais pour nourrir son imagination ». Aux enfants, il répond spontanément, tout en cherchant le mot juste, ce bon mot qui sonne vrai mais qui peut aussi faire rire, car l’humour permet d’aiguiser le sens de la dérision, une des meilleures armes pour affronter l’absurde du réel. Dans la préface du livre, il ajoute : « Je reste réaliste dans l’absurde, comme le chêne qui se conifère en voyant venir l’hiver. La vie est une épreuve à surmonter dans un monde injuste et violent, autant en avertir les enfants... Répondre aux enfants, cela signifie se mettre à leur place, expliquer les choses avec des mots adultes et compréhensibles, illustrer les idées par des exemples tirés de la réalité ou soutirés à l’imagination, leur
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