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LIVRES
Lucie Servin
LA SÉLECTION DE LIVRES DE LUCIE
Tarzan thérapie
Du rire et du plaisir : c’est encore le meilleur remède à prescrire face à la pandémie de mauvaises nouvelles qui s’accumulent dans l’actualité. Laissez- vous séduire par cette BD loufoque et joyeusement dessinée en noir et blanc et en hachures par l’italien Grégory Panaccione dans un style bondissant qui rappelle le grand Franquin. Vous découvrirez l’histoire d’un microbe, laid et attendrissant, passionné de calcul mental, qui tombe amoureux de la Jane de Tarzan en visionnant le film avec Johnny Weissmuller et Maureen O’Sullivan. Personne ne peut résister à son charme, ni à son cri sauveur pour l’humanité.
Le sucre, les revers du plaisir
« C’est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe », disait Voltaire dans le célèbre épisode de la rencontre avec le « nègre de Surinam » dans Candide, pour dénoncer l’esclavage. Au XVIIIe siècle, en Europe et notamment en France et en Angleterre, le sucre est devenu un produit de consommation de masse. Il s’immisce dans toutes les cuisines et s’impose avec de nouvelles pratiques autour du thé ou du café. Le britannique James Walvin est professeur d’histoire émérite à l’université d’York et spécialiste de l’histoire de l’esclavage. Dans cette démonstration formidable, il montre comment le sucre est devenu un élément essentiel dans l’histoire des sociétés occidentales depuis la découverte de l’Amérique, un agent essentiel de la colonisation. Autrefois produit de luxe, le sucre se généralise grâce à la mise en place des plantations de cannes à sucre dans les colonies du Nouveau Monde, dans les Caraïbes ou sur le continent américain.
Toajêne
Bruno Bozzetto et Grégory Panaccione. Éd. Delcourt - 22,8 x 29,5 cm - 104 pages - 19,99 €.
L’histoire du sucre est ainsi inextricablement liée au commerce triangulaire et à la déportation de millions d’esclaves africains. Mais l’histoire ne s’arrête pas là : après l’abolition de l’esclavage, les conditions des travailleurs n’ont rien à envier au sort des mineurs ou des ouvriers dans les usines, de même que l’impact écologique des cultures est dramatique. Le sucre, en moteur clé de la révolution industrielle, s’insinue partout, dans les plats préparés, les boissons et même les céréales du petit déjeuner. La puissance de ces lobbys du sucre depuis les trusts d’hier jusqu’aux multinationales agroalimentaires contemporaines n’a d’ailleurs rien à envier à celle des géants pétroliers. En deux siècles, la consommation exponentielle a accompagné la croissance démographique mondiale avec les conséquences sanitaires qu’on connaît. Problèmes dentaires, obésité, diabète et addiction sont des fléaux que mêmes les lobbys du sucre ne peuvent plus ignorer, au point qu’ils engagent aujourd’hui tout leur marketing à proposer des produits « sans sucre », comme Coca-Cola. « Personne ne s’attend à ce que le sucre s’évapore. C’est une industrie qui emploie trop de monde, et l’attachement culturel au sucre est bien trop profond pour qu’il disparaisse du jour au lendemain », conclut James Walvin dans cette brillante leçon d’histoire qui explique comment le monde entier est devenu addict. À méditer.
Histoire du sucre, histoire du monde
James Walvin, traduit de l’anglais par Philippe Pignarre. Éd. La Découverte - 15 x 24 cm - 288 pages - 22 €.
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