Page 113 - Rebelle-Santé n° 204
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pathologies
peines à sortir, d’autant qu’avec le temps, il se per- suade que ses mensonges sont réels. Se pose alors le problème de la lucidité du patient et de l’intentiona- lité consciente de ses mensonges. Un sujet qui fait encore débat. Le mythomane ment-il sciemment ou se persuade-t-il de dire la vérité alors qu’il ment ?
ValoRisatioN
Aussi répandue chez l’homme que chez la femme, la mythomanie ne se limite pas aux petits mensonges du quotidien ou aux menteurs invétérés. Non, la my- thomanie au sens psychiatrique du terme correspond à l’élaboration de constructions imaginaires, nom- breuses, parfois exubérantes, exprimées avec convic- tion et l’apparence de la réalité. L’affabulation mytho- maniaque est gratuite. L’objectif n’est pas de travestir la vérité dans un but utilitaire, mais de se valoriser en se mettant en avant. La mythomanie peut être isolée ou accompagnée d’autres pathologies psychiatriques.
iMMatURitÉ psYChoaFFeCtiVe
La mythomanie, qui fait partie des troubles de la per- sonnalité, serait l’expression d’une immaturité psy- choaffective ou d’un choc émotionnel grave. Le my- thomane aurait des difficultés à séparer l’imaginaire de la vie réelle. Dans la plupart des cas, la mythoma- nie résulte d’une carence affective ou éducative ou d’un manque de confiance en soi. Elle devient alors un moyen de défense plus ou moins inconscient en réaction à un sentiment d’infériorité. Fréquente et normale chez l’enfant, la mythomanie enfantine s’avère transitoire le plus souvent.
soRtiR De la MYthoMaNie
Paradoxalement, l’aplomb du mythomane contraste avec sa fragilité émotionnelle et son hyperémotivité. Le patient souffre de cette situation dont il est la prin- cipale victime. Et il n’y a rien de pire pour un mytho- mane que d’être démasqué. Il n’a d’autres choix alors que de réinventer une nouvelle histoire pour accré- diter les autres, de fuir (et reprendre sa mythomanie ailleurs) ou d’entrer dans une profonde dépression. D’où l’intérêt d’une prise en charge psychothérapeu- tique précoce qui vise à retrouver les causes de la mythomanie avec un enjeu important : éviter l’iso- lement social qui guette le mythomane démasqué. À l’heure actuelle, il n’existe pas de traitement médica- menteux.
Dr Daniel Gloaguen
*D’origine grecque, le terme de mythomanie signifie littéralement histoire fabuleuse et folie.
PLUSIEURS TYPES
La mythomanie recouvre plusieurs situations. On parle également de « pathomimie » dès lors que la mythomanie correspond à un mensonge d’ordre médical avec une imitation de divers symptômes. uMythomanie maligne, avec un caractère antisocial ou des nuisances à autrui. Les mensonges concernent les escroqueries, des accusations ou dénonciations mensongères à caractère sexuel
ou encore des tentatives de chantage ou de vol. Le mythomane peut émettre des chèques sans provision, se créer une fausse identité, faire des faux en écriture. uMythomanie vaniteuse, où la mythomanie se traduit par une vantardise avantageuse, le patient s’attribuant des mérites. Fréquente, la mythomanie vaniteuse prend l’aspect de fabulations fantastiques ou romanesques. Le patient se met volontairement au centre de l’histoire et s’attribue un rôle glorieux ou héroïque, allant même parfois jusqu’à se dénoncer pour continuer à exister. uLes pathomimies cutanées, qui se caractérisent par le besoin de s’inventer une pathologie cutanée : lésions de grattage des mains, du visage ou du cou sans raison objective, blessures par aiguille, brûlures, utilisation de caustiques. uLe syndrome de Lasthénie de Ferjol, qui consiste en des saignements répétés et volontaires (ponctions veineuses par piqûre), fréquent chez les femmes occupant des postes paramédicaux (infirmières). uLa pathomimie thermométrique, où le patient va simuler une fièvre en chauffant (en cachette) le thermomètre en le frottant ou en le trempant dans de l’eau chaude. Et lorsque cela ne suffit pas, le patient n’hésite pas à s’infecter (injections de produits divers, comme le lait, du pus, les matières fécales, les urines...) pour tenter d’augmenter sa température. uLa pathomimie neurologique, avec une simulation de malaises, de crises d’épilepsie, de troubles de la motricité ou de la sensibilité. uLa pathomimie métabolique, où le mythomane va par exemple simuler une hyperthyroïdie par injection d’hormones thyroïdiennes, une hypoglycémie par injection volontaire et exagérée d’insuline. uLe syndrome de Münchausen, le plus connu, qui consiste à simuler (ou à provoquer chez un enfant) des pathologies imaginaires d’ordre chirurgical le plus souvent aboutissant à des investigations multiples ou à des interventions chirurgicales injustifiées.
Rebelle-Santé N° 204	65


































































































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