Page 7 - Rebelle-Santé n° 222 - Extrait "Coline Serreau"
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scénariste, musicienne, trapéziste, danseuse... Une liberté de regard et d’action acquise très tôt grâce à l’école, à la nature et à des per- sonnages inspirants. Grâce au tra- vail aussi. Et puis, l’indignation est un des piliers de cette femme militante. Que ce soit le féminisme avec la lutte contre les inégalités et les agressions faites aux femmes ou un regard aiguisé sur notre système économique, agricole et pharma- ceutique, Coline Serreau parle d’un seul et même mouvement intérieur d’indignation, toujours soutenu par la soif de justice, de résistance et d’expression qui lui donne cette place si particulière dans le paysage artistique.
Vous avez été marquée par votre passage à l’école de Beauvallon qui était à l’avant- garde. Quelle était la force de cette école ?
C'était la pédagogie de l'institut Jean-Jacques Rousseau à Genève, fondée sur les travaux de Steiner, Montessori, Claparède, et d’autres, beaucoup de naturistes. Dans cet institut, on apprenait et expérimen- tait toutes les nouvelles méthodes d'éducation. L’école de Beauvallon était dirigée par une femme extra- ordinaire, Marguerite Soubeyran, femme dont la vocation de péda- gogue et les convictions politiques progressistes s’alliaient à une per- sonnalité extrêmement séduisante. Personne ne pouvait lui résister.
Qu'est-ce qui vous a forgée différemment dans cette école ?
Nous vivions dans la nature, dans les collines de la Drôme. Cinq mois par an nous étions pieds nus. Nous ne mangions que des aliments sains venant des agriculteurs qui nous entouraient. C'était juste après la guerre et la chimie n'était pas encore entrée en piste. Quand un enfant était malade, on le mettait au lit pour deux jours, à la diète, et il
ne prenait pas de médicaments, à part un peu d’homéopathie. Tout le monde était en parfaite santé. Les femmes qui tenaient cette école pratiquaient le jeûne tous les ans. Elles avaient une vision extrême- ment sûre et solide de la santé.
Et sur le plan de l’éducation ?
On cherchait ce pour quoi les en- fants étaient doués. Ils pouvaient tout essayer, de la mécanique aux langues en passant par la pein- ture, la natation. On les encoura- geait là où ils étaient doués, et à partir de leurs succès, on les ame- nait vers d’autres enseignements, car ils avaient repris confiance en eux-mêmes. Les enfants assuraient certaines tâches ménagères (faire leur chambre, essuyer la vaisselle) à tour de rôle et de manière tota- lement mixte. On n'était pas dans un monde où les enfants étaient ser- vis, plutôt dans une famille où l’on
partageait le travail. Et puis le ma- tin, chaque jour, on consacrait dix minutes à la culture, à écouter de la musique, à lire un poème, à re- garder un tableau. Cela a beaucoup marqué les enfants car la culture, cela vous construit, de n’importe quel milieu que l’on vienne.
Qu’avez-vous gardé de ces femmes engagées qui dirigeaient l’école ?
Ces trois femmes dirigeaient une entreprise, une équipe, avaient des responsabilités importantes, elles devaient sans cesse prendre des décisions rapides et graves. Lorsque j'ai moi-même dû diriger des équipes, il me semble que leur exemple m’accompagnait et je ne me suis jamais posé la question de savoir si j'étais un homme, une femme ou ceci ou cela. Je dirigeais parce que je savais ce que je vou- lais faire. Par contre, le soir après
L'ÉCOLE DE BEAUVALLON
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