Page 9 - Rebelle-Santé n° 222 - Extrait "Coline Serreau"
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CULTURE
Et pour le féminisme ?
Il n’y a pas de féminisme, il y a une injustice fondamentale dans le traitement des femmes dans les sociétés patriarcales. Nous tra- vaillons pour la justice et c'est nous qui aurons raison à l'arrivée. Je ne comprends pas comment en 2019 on peut ne pas être féministe. C’est comme si on disait, les anti-esclava- gistes je suis pour ou contre... Non, on est contre les inégalités, donc on est féministes ou on est hors la loi. C'est la même chose pour la lutte contre le capitalisme financier, à l'arrivée, c'est nous qui aurons rai- son. Ça fait combien d'années que je me bats pour l'écologie ? On me faisait comprendre que j'étais un peu sotte avec mes idées de manger bio, mais maintenant les cancers sont devenus la maladie du siècle. Tout le monde est agrippé au bio et essaye de manger correctement. Mon film La belle verte avait 20 ans d’avance.
C’est un film écologique, utopiste, drôle et pourtant à sa sortie ça a été un flop, pourquoi ?
Ce film, c'est le principe du can- dide de Voltaire. Le personnage principal, qui vient d’une planète plus évoluée, regarde notre société avec candeur et humour. C'est un changement de point de vue sur notre vie. Le film est arrivé 20 ans trop tôt dans une incompréhension totale.
Vous êtes-vous dit que le public n'était pas prêt, mais que vous aviez raison ?
Je ne le formulerai pas comme ça. Je suis toujours prête à me remettre en question et à me dire que je n'ai peut-être pas trouvé la formule, la manière d'écrire maintenant pour les gens de maintenant. J’avais trou- vé cette relation immédiate avec
le public dans Trois hommes et un couffin et La crise. Pour La belle verte, je n’ai pas eu de doute sur les idées que je défendais, mais je me suis dit que j'aurais peut-être pu trouver une autre forme.
Mais un film, c'est comme un en- fant : ça sort, vous l'élevez, ensuite il vit sa vie. Ce n'est plus vous qui dirigez les choses. Et le film a fina- lement eu une très belle vie.
Si le film La belle verte
est arrivé trop tôt, il était visionnaire, comme La crise. Avez-vous un flair particulier ?
Peut-être que j'ai un flair, mais sur- tout, je travaille. J’étudie l'écono- mie, le marxisme, des outils pré- cieux pour analyser la société. Les marxistes se sont souvent trompés dans leurs conclusions, mais leurs outils d’analyse étaient bons. Freud, bien qu’il ait été incapable de re- mettre en question la vision des
COLINE SERREAU TRAPÉZISTE DANS LA BELLE VERTE
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