Page 12 - Rebelle-Santé n° 211 - Extrait "Bambou et Tous dehors !"
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ÉDUCATION
CULTURE
Un campagnol est passé par là !
exploration. La démarche leur donne confiance. Il faut ainsi savoir jouer à l’aventurier, se faire des films.
Comment apprendre aux enfants le respect du vivant et les amener à une conduite responsable vis-à-vis de la nature ?
Bien sûr, il faut protéger la nature. En tant qu’obser- vateur direct, je peux témoigner qu’il y a moins d’insectes, c’est une évidence, et ça s’accélère ces dernières années. C’est un cercle vicieux car, comme de plus en plus d’espèces sont menacées et dispa- raissent, on en voit aussi beaucoup moins ; les inter- dictions empêchent également d’y avoir accès. Tous les batraciens sont protégés. Sur certaines plages, il est défendu de prendre des galets ou de ramener du sable. C’est paradoxal, car il faut veiller à ne pas mettre trop de filtres aux enfants. Aujourd’hui, on n’a plus le droit de toucher un triton. Pourtant, sans tenir une fois dans sa vie un triton qui frétille au creux de sa main, l’enfant passe à côté d’un grand évènement. Il a besoin d’être en contact avec la nature pour apprendre à l’aimer et à la protéger. De même, il faut absolument laisser un enfant toucher une ortie, c’est le seul moyen pour qu’il apprenne à les reconnaître et ne pas y toucher. Pour les bébés, il faut commencer très tôt à faire travailler les sens, sentir la pluie, entendre un ruisseau, écou- ter les oiseaux. En réalité, pour adopter une conduite responsable, il ne faut surtout pas isoler l’enfant de la nature. En bricolant un objet à partir d’un galet, qu’il gardera sous les yeux toute l’année, ne prend-il pas conscience de sa beauté sur la durée ? Il ne s’agit pas de laisser les enfants sans surveillance, mais pragmati- quement, si dehors il n’y a que des interdits, aucun ne voudra plus sortir.
S’adresser aux enfants, c’est aussi penser à l’avenir ?
Quand j’ai commencé à travailler comme cinéaste animalier, nous avons organisé de nombreuses projec- tions dans les écoles pour sensibiliser les enfants. Ces enfants, qui avaient entre 8 et 10 ans, ont entre 30 et 40 ans aujourd’hui. Or, rien ne s’est passé pour sau- ver la planète ; c’est même de pire en pire. Une fois adultes, les enfants doivent gagner leur vie et n’ont pas
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d’autre choix que de rentrer dans le modèle indivi- dualiste qu’on leur a appris. La conscience collective ne se manifeste pas assez et les barrières physiques et symboliques se multiplient. Le message de protection de la nature a pourtant laissé des traces dans les es- prits. La preuve : les mobilisations citoyennes pour la défense de l’environnement n’ont jamais été si fortes, alors que, dans le même temps, les élus prennent des décisions catastrophiques. Pour moi, c’est clair, l’ar- gent et nos politiques tuent la planète. Mais je reste optimiste. C’est pourquoi je continue de travailler avec les enfants et à filmer la beauté de la nature.
Propos recueillis par Lucie Servin JOYEUX ANNIVERSAIRE
LA REVUE LA SALAMANDRE A 35 ANS !
Quel amoureux de la nature ne connaît pas au- jourd’hui la revue La Salamandre ? Pour celui qui n’a pas l’occasion de traîner en nature, reportages et belles images ouvrent sur le monde extraordi- naire et fascinant du vivant.
Tout commence en 1983. Julien Perrot a onze ans. Surnommé « le Mozart naturaliste », l’enfant pas- sionné invente le premier numéro de son journal dédié à la nature. Un projet qui ne l’a plus quitté ensuite. Après des études de biologie, il devient le plus jeune rédacteur en chef de la Suisse romande en 1997, en fondant officiellement La Salamandre, « la revue des curieux de la nature ». Aujourd’hui, ce magazine de référence connu pour ses engage- ments éthiques et la qualité de son contenu paraît tous les deux mois et compte près de 26 000 abon- nés en Suisse, en France et en Belgique. Deux autres revues s’adressent aussi plus spécialement aux en- fants, Petite Salamandre pour les 4-7 ans et Sala- mandre Junior pour les 8-12 ans. En parallèle, une maison d’édition indépendante et sans but lucratif s’est développée en éditant guides, beaux livres et films documentaires toujours fidèles aux objectifs premiers : faire connaître, aimer et respecter la nature. En 2003, le premier festival Salamandre était organisé à l’automne au bord du lac Léman. Infatigable, Julien Perrot n’a de cesse d’user de tous les moyens pour raconter et montrer la nature dans tous ses états et transmettre son goût du sauvage et de la découverte, et réconcilier l’humain avec son environnement. Un engagement impératif. Dans l’éditorial de la revue qui célèbre les 35 ans de sa structure, il lance cette alerte « Pourquoi, alors que des pans entiers de la biodiversité s’effondrent sous nos yeux, le respect de la planète n’est-il toujours pas en tête des agendas de tous les pays ? Car c’est l’avenir de l’humanité qui est en jeu. Pas sur Mars ni dans le Cloud, mais bien ici, sur Terre ».
Toutes les photos © Patrick et Manon Luneau - extraites de Tous dehors ! en forêt - La Salamandre


































































































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