Page 9 - Rebelle-Santé n° 211 - Extrait "Bambou et Tous dehors !"
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ÉDUCATION
Éveiller les sens et les consciences, c’est l’objectif des livres de Patrick Luneau, dans la collection « Tous dehors » éditée par La Salamandre, qui passe en revue différentes activités simples et ludiques à réaliser avec les enfants de 0 à 12 ans dans la nature. Au jardin et en forêt, deux tomes sont déjà sortis, un volume sur le littoral sera disponible au printemps prochain.
L’attraction des écrans détourne les plus jeunes des activités de plein air et alimente les craintes les plus justifiées sur les conséquences dans leur
développement. Et si notre propre relation à la nature empêchait l’enfant d’y focaliser son intérêt ? En guidant à l’extérieur l’enfant et sa famille dans la découverte et l’exploration de la nature, les livres de Patrick Luneau offrent une mine d’informations et d’idées pratiques pour les enfants et leurs parents.
À 62 ans, cet ancien instituteur, amoureux des petites bêtes, engagé pour la protection de l’environnement, est à la fois cinéaste animalier, écrivain pour la jeunesse et guide nature dans la Brenne, la région aux mille étangs où il vit. Il nous explique sa philosophie.
L. S. : Comment en êtes-vous venu à imaginer ces activités avec les enfants ?
Patrick Luneau : J’ai grandi à la campagne dans une famille de chasseurs, mes oncles étaient gardes- chasse. À l’époque, on envoyait les enfants s’occuper dehors. J’ai moi-même chassé vers 18-19 ans pour faire comme tout le monde au village, puis j’ai rapide- ment arrêté. J’ai toujours été attiré par la nature, mais c’est en voyant des documentaires animaliers que j’ai appris à aimer les animaux, que j’ai mis un genou à terre pour observer toute la petite faune de proximité, les mammifères comme les insectes, et que j’ai coupé les ponts avec le monde de la chasse. J’ai commencé à travailler comme instituteur dans un très petit vil- lage de l’Indre, près d’une grande forêt. Puis, j’ai ren- contré le cinéaste animalier Laurent Charbonnier et j’ai travaillé avec lui pendant 6 ans. Une association pour la protection de la nature dans l’Indre m’a per- mis de réaliser mon premier film. On l’a projeté près de 110 fois dans le département pour sensibiliser la population. J’ai ensuite été directeur d’un CPE (Centre Permanent d’initiative pour l’Environnement) dans la Brenne où j’habite. J’ai finalement arrêté pour me consacrer à l’écriture. Tous mes romans pour la jeu- nesse racontent le rapport à la nature, et transmettent un message de protection qui me tient à cœur. C’est dans cet esprit que j’ai commencé à collaborer avec Julien Perrot, le rédacteur en chef de La Salamandre, que je connaissais et dont j’ai toujours admiré la dé- marche. Aujourd’hui, j’ai trois activités. En plus de
Patrick Luneau
l’écriture, je suis guide nature et formateur en cinéma animalier auprès d’étudiants, à Ménigoute, dans les Deux-Sèvres où, il y a 15 ans, en marge du célèbre festival de films animaliers, a été créé un institut de formation au cinéma animalier.
Vous dites : « À l’instar de celles des arbres, les racines de nos enfants sont en train de pousser.
À nous d’accompagner leur développement avec créativité, plaisir et astuce ». Les activités que vous proposez dans vos livres sont-elles celles que vous avez pratiquées avec les enfants ?
Le plus souvent oui, j’invente toutes les activités à par- tir de mon expérience et j’en imagine d’autres facile- ment. Au fur et à mesure de la rédaction, quand le livre se structure, j’essaye de prendre du recul en triant les différentes activités afin de balayer toutes les choses à faire, observer, goûter, entendre, deviner, fabriquer dans un jardin ou dans une forêt... C’est avant tout un état d’esprit. Ce qui me chagrine, c’est de ne plus voir d’enfants sur les chemins. Quand j’ai commencé à écrire des romans, je voulais d’abord redonner en- vie aux enfants de traîner dehors, « traîner » comme quand j’étais gamin et qu’on enfourchait nos vélos pour partir dans la campagne. Avec mes livres, je veux montrer aux enfants que « dehors » est le plus grand terrain de jeu du monde. Le but est de leur donner le goût de la nature en suggérant le plus d’idées possible aux parents, à eux d’être ensuite réactifs et inventifs à leur tour, en discutant avec leurs enfants.
Rebelle-Santé N° 211 51