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En bref
Ordre des Médecins : un rapport révélateur !
par Sophie Lacoste
sanctionner à son tour.
Un médecin fait figure d’autorité. Ce statut lui confère du pouvoir sur son patient. Cette autorité, basée sur le savoir qu’il dispense au pro- fit du patient, assied sa légitimité à conseiller, prescrire, orienter... Mais elle met aussi le patient dans un état de domination qui peut très facilement donner lieu à des abus.
Vous êtes une femme, vous venez pour une angine et le médecin vous demande de vous déshabiller intégralement, comment réagissez- vous ? Évidemment, tout le monde vous dira « Fallait l’envoyer balader, tu savais à quoi t’attendre... ». Mais rien n’est si simple. Car vous êtes censée lui faire confiance. Certaines personnes auront la force de lui rétorquer qu’il ne leur semble pas nécessaire de se découvrir autant. Et le médecin s’en tirera avec une pirouette... D’autres femmes obéi- ront, ce qui ne les rend aucune- ment consentantes à quoi que ce soit et encore moins coupables. La plupart du temps, elles se tairont ensuite, submergées par la honte. Alors quand une patiente a la force de signaler ce genre d’abus, on pourrait imaginer que le Conseil de l’Ordre réagisse... Eh bien non, si ce n’est pour couvrir les confrères.
Certaines affaires récentes avaient déjà mis en lumière les manque- ments du Conseil de l’Ordre en ce qui concerne les abus à caractère sexuel et ce dernier a enfin ajouté au code de déontologie, en mars 2019, un commentaire prohibant tout rapport sexuel entre praticiens et patients, considérant qu’il s’agit, de la part du médecin, d’un abus de faiblesse. Souhaitons que cela change un peu la donne.
Quand on lit le rapport de la Cour des Comptes (c’est long, mais édi- fiant), on se demande bien à quoi sert ce rassemblement de vieux mâles blancs assis sur un tas d’or (110 millions d’euros de patri- moine et 152 millions d’euros de réserve), si ce n’est à décrédibiliser une profession déjà aux prises avec tant de difficultés.
La Cour des Comptes, cette ins- tance qui vérifie que les dépenses publiques soient justifiées, vient de contrôler l’Ordre des Méde- cins. A priori, cet ordre devrait être le garant des « bonnes pratiques médicales ». Encore faudrait-il qu’il balaie devant sa porte, qu’il dépoussière ses étagères et qu’il montre davantage l’exemple...
Au-delà des graves défaillances de gestion relevées et d’un manque de rigueur manifeste dans la tenue des comptes, mais aussi d’abus en tous genres, le traitement des plaintes émanant de patients laisse carrément à désirer, en particulier lorsqu’il s’agit de plaintes pour des faits à caractère sexuel. Y aurait-il un lien avec la surreprésentation d’hommes (ce n’est rien de le dire : 91 % !), confortablement installés là depuis des décennies ?
Certains évêques ont récemment dû s’expliquer face à la justice pour avoir couvert les pratiques des curés de leurs paroisses. Qu’en est-il des membres du Conseil
de l’Ordre des Médecins ? Des exemples précis sont cités dans le rapport de la Cour des Comptes. Comment expliquer qu’alerté par plusieurs plaintes depuis 1988, le Conseil de l’Ordre ne réagisse qu’en 2006 et ne radie un méde- cin (depuis condamné par la justice pour viols et agressions sexuelles) qu’en 2013 ? Dans cette affaire, la Cour des Comptes souligne qu’ « il est apparu par la suite qu’un élu ordinal, dont la gestion de l’affaire avait été mise en cause par l’avo- cat général au cours de l’audience publique, lors de ce procès, et tou- jours en fonction en 2019, avait lui-même fait l’objet de plaintes de deux patientes différentes pour des faits à caractère sexuel. »
Le rapport souligne que les plaintes à caractère sexuel sont le plus sou- vent négligées par l’Ordre, mises au panierousousunepilededossiersà traiter. Le Conseil de l’Ordre attend que la justice pénale ait condamné le médecin pour sortir les éléments qu’il détient et éventuellement le
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