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LE PETIT JOURNAL DE Rebelle-Santé
Le mouvement "Nous voulons des coquelicots" s’est fixé comme objectif l’interdiction des pesticides de synthèse en France dans les deux ans. Comment
l'aider ? En étant nombreux à signer un appel réclamant cette mesure urgente à nos gouvernants (sur le site www.nousvoulonsdescoquelicots.org). C’est seulement ainsi que nous pourrons préserver la biodiversité, la santé de la planète et la nôtre.
Lors de nos festives réunions du vendredi, nous avons commencé à mettre en place un projet : encourager le dé- veloppement de cantines bio sur notre territoire. Et nous en sommes venus à nous demander comment inclure les producteurs locaux à cette aventure...
Les agriculteurs d’abord
Début novembre, trois jeunes agriculteurs ont participé à notre premier rendez-vous. Plutôt hostiles de prime abord, ils trouvaient que c’était un peu facile de critiquer leur travail sans en connaître les contraintes et les enjeux, les impératifs et les difficultés. Ils avaient raison : nous sommes béotiens en matière de production agricole, de maraîchage, d’élevage... Mais prêts à faire des efforts pour comprendre. Nous avons donc décidé d’organiser une rencontre entre notre petit groupe et les agriculteurs de notre secteur. Deux personnes de notre groupe se sont mobilisées pour les recenser et les convier. Nous pensions qu’ils seraient 4 ou 5... Eh bien non, bonne surprise : ils étaient 12, la majorité représentant l’agriculture « con- ventionnelle », deux pratiquant l’agriculture de conserva- tion des sols – ce type d’agriculture place le sol au cœur du système de production, elle est basée sur 3 « piliers » : une couverture permanente du sol, des semis sans travail du sol, la diversité et la rotation des cultures – et deux producteurs bio. Tous ont été invités à s’exprimer.
Consomm’acteurs ?
L’un des agriculteurs présents, co-président des Jeunes Agriculteurs de Seine-et-Marne, initie le débat en nous énonçant le thème de la dernière assemblée générale de son syndicat : « Plus vert, plus cher, comment faire ? ». En effet, il est demandé aux producteurs de faire des ef- forts importants pour polluer le moins possible, mais cela implique des moyens financiers... Comment concilier ces deux exigences ? Sans doute en valorisant leur produc- tion. Et là, tous les présents sont d’accord pour souligner que le rôle des consommateurs est ici déterminant. En ef- fet, on ne peut pas vouloir des aliments exempts de pes- ticides, d’une qualité irréprochable, et les payer au lance- pierre. L’un des agriculteurs donne l’exemple de la viande. La consommation a augmenté l'année dernière (même si on a l’impression qu’elle diminue suite aux recommanda- tions de santé), mais la viande vendue provient pour une très grande majorité d’élevages industriels intensifs où qualité et respect des animaux sont des préoccupations bien lointaines.
Dans les années 1960, plus d’un tiers du budget familial était consacré à l’alimentation, aujourd’hui, moins de 20 %. Certes, d’autres dépenses ont augmenté, mais on peut consommer moins et mieux, sans aucun doute.
Les demandes des producteurs
Notre groupe a interrogé les agriculteurs sur leurs at- tentes par rapport à cette rencontre. Ces derniers ont tous expliqué qu’ils aimeraient qu’on ait une image plus juste de leur métier et de leurs pratiques : ils souffrent de passer pour des empoisonneurs. Ils semblent satisfaits de pouvoir communiquer de manière directe avec nous, de remettre à plat les informations et de ne pas endos- ser toujours le mauvais rôle alors que leur travail est très encadré. Ils remarquent que les multinationales de l’agro- alimentaire, elles, font bien ce qu’elles veulent sans être montrées du doigt. Ainsi, dans les « plats tout prêts », on retrouve des céréales OGM venues de l’autre bout de la planète, vendues peu chères, et cela ne semble déran- ger personne... En agriculture conventionnelle, ils disent employer aujourd’hui le moins possible de traitements chimiques, tout simplement parce que leur coût est im- portant. Et la concurrence avec les pays étrangers (qui ne sont pas soumis aux mêmes règles et contrôles de qua- lité) rend le métier très difficile pour les professionnels français, d’autant plus avec les traités internationaux.
Et l’agriculture de conservation des sols ?
Le travail de la terre par lui-même arrive rapidement au cœur du débat. Une agricultrice établit le parallèle sui- vant : le principe du passage au bio pour un professionnel s'apparente à accepter de se soigner sans médicaments pour un individu. C'est pourquoi il est important de rai- sonner par petites étapes pour une évolution efficace et durable. Elle-même pratique l’agriculture de conserva- tion des sols. Son collègue, qui fait de même, a appor- té trois seaux de terre pour illustrer son propos : l'un
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