Page 16 - Rebelle-Santé n° 235 - Extrait
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  SOCIÉTÉ
Couper des arbres en Guyane peut avoir des répercussions à l'autre bout du monde
 En réalité, comme pour le terro- risme ou la drogue, si on ne s’at- taque jamais aux causes, c’est une guerre sans fin. Certains en tirent profit, comme les laboratoires pharmaceutiques qui fabriquent les médicaments ou les vaccins. Même s’il est légitime de cher- cher des remèdes ou des vaccins, on ne peut se contenter de cette gestion à court terme. Il faut aus- si avoir une vision à long terme, en cherchant à limiter en amont les facteurs d’émergence de ces nouvelles maladies infectieuses. Sinon, on se dirige vers une ère de confinement chronique et une course aux vaccins permanente. C’est ce que déplorent les scienti- fiques dans mon livre. Évidemment, ça implique aussi de prendre des mesures systémiques pour préserver les forêts, la biodi- versité et lutter contre le dérègle- ment climatique : il faut arrêter les importations de soja d’Argentine pour nourrir les élevages indus- triels, ne pas signer l’accord de libre-échange avec le Mercosur qui prévoit d’importer du bœuf
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brésilien – au détriment de l’Ama- zonie –, ou interdire à des entre- prises comme Total d’importer de l’huile de palme d’Indonésie...
Qu’est-ce que « l’écologie de la santé » dont se revendiquent tous les scientifiques que
vous avez interrogés ?
Les « disease ecologists », parmi lesquels, en France, Serge Morand et Jean-François Guegan de l’IRD et de l’INRAE, sont les pionniers : des scientifiques qui étudient le rôle des facteurs environne- mentaux dans la transmission et l’origine des agents infectieux. En d’autres termes, ils prônent une vision holistique et trans- disciplinaire de la recherche : une conception globale de la santé au niveau planétaire qui prenne en compte l’intercon- nexion entre les humains, les animaux et les écosystèmes pour en finir avec les cloisonnements des spécialités dans la science. Malheureusement, ces scienti- fiques restent minoritaires. Il ne
s’agit pas de remettre en cause l’excellence, ni même la com- pétence de chaque discipline, mais de penser des schémas de recherche collaboratifs autour d’objectifs communs. Ces écolo- gues travaillent ainsi à rapprocher les universitaires des experts de terrain, en analysant les savoirs locaux traditionnels, les TEK (tra- ditional ecological knowledge) pour s’inspirer des connaissances des peuples indigènes. L’écologie de la santé ou le concept de santé planétaire part ainsi du principe que la meilleure science, qu’elle soit fondamentale ou appliquée, est celle qui rend service à l’hu- manité : c’est une science des solutions.
Les écologues appellent à un changement de paradigme. En- core une fois tout est lié, le dé- règlement climatique, la perte de biodiversité et le risque pan- démique. Couper des arbres en Guyane peut avoir des répercus- sions à l’autre bout du monde, comme nous l’explique Rodolphe Gozlan.
 © Cavan - Adobe Stock
























































































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