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LA CHRONIQUE DE PINAR
À l’épicerie Jeanine :
C ça vaut la peine d’y aller !
ela fait quelque temps que je voulais vous parler de Maryne et de Jacques, de
leur épicerie Jeanine, de leur parcours incroyable et de leur histoire si poétique. Jeanine est la conjonction de Jacques et Maryne, et ce petit magasin est la perle de notre quartier Riquier, à Nice (45, rue Arson). Je l’ai dé- couvert juste après mon emména- gement et je suis très vite devenue cliente. Il faut dire qu’on y trouve un tas de belles et bonnes choses : des légumes de saison, cultivés et cueillis par eux-mêmes, de bons fromages, des olives et de l’huile d’olive de producteurs. Et ce n’est pas tout, Jacques et Maryne sont aussi de bons traiteurs et les plats qu’ils préparent sont vraiment dé- licieux. Surtout les pissaladières de Jacques !
Un jour, une vieille dame qui sortait du magasin en même temps que moi m’a dit d’une voix joyeuse : « Il y a une âme ici. Ils ne racontent jamais d’histoire. Ils sont vrais. » Elle a raison, ils sont vrais. Ce lieu me fait penser aux « temps heureux ». Maryne vous accueille toujours avec un grand sourire. Avec elle, on évoque les nouveautés du quartier, les petites aventures du quotidien. Jacques ressemble plutôt à un horloger. Son regard sérieux vous donne le sentiment qu’il est toujours en train de réparer quelque chose, avec délicatesse. On s’est vite compris. Comme il le dit : « Celles et ceux qui ont subi des épreuves se reconnaissent facilement. »
Rêve commun
Je sais que Jacques a passé plu- sieurs années dans les rues. Je le regarde et j’essaie d’imaginer
son ancienne vie de SDF. Il me raconte qu’avant de « tomber » à la rue, il était vigneron, mais il ne voulait pas participer à la destruc- tion de la nature. Il a donc refusé d’utiliser les pesticides : « J’étais dans la culture biodynamique, ce qui faisait rire mes voisins. » Son affaire n’a pas tenu et il s’est mis à boire, jusqu’à se retrouver à la rue, SDF pendant plus de 5 ans. Jusqu’en 2005, l’année de la rencontre avec l’amour de sa vie, Maryne, alcoolique éga- lement, pour d’autres raisons. Ils se sont connus en cure de désintoxication. L’un est devenu le miroir de l’autre. Les deux ne supportaient pas le monde qui les entoure, mais ils n’avaient pas assez de ressources, seuls, pour résister. L’amour est devenu leur
vraie ressource : « Nous avons tout de suite commencé à rêver ensemble. Construire un rêve ensemble, c’est quelque chose de miraculeux », explique Maryne. Jacques ajoute : « Nous avons décidé de résister ensemble, de créer ensemble. » Ce rêve leur a donné de la force. Ils sont sortis de l’hôpital. Maryne a emmené son amoureux SDF dans son petit appartement qui est devenu un atelier : il s’agissait de transfor- mer le rêve en un projet solide. Ensuite, ils se sont lancés dans sa concrétisation. Après une courte période de travail en intérim, ils ont pu ouvrir leur boutique, en 2006, avec l’aide de la mère de Maryne. Et en quelques années, ils ont réussi à avoir une petite maison entourée d’un jardin où
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